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de Paris vont être discutées de nouveau, et si le tout-puissant édile nous donnera le piquant spectacle d’une revanche des désaveux qe lui a infligés M. Rouher. Ce sera peut-être curieux. M. Haussmann n’effacera pas cette marque d’illégalité empreinte sur la plupart de ses actes. Il peut demeurer à l’hôtel de ville, il y est désormais comme un administrateur momentanément acquitté et surveillé. Il en est de même du Crédit foncier. Il est aujourd’hui couvert par un vote qui valide son traité avec la ville de Paris. Il rendra ou il ne rendra pas la commission de 17 millions que M. le ministre des finances a trouvée exorbitante, peu importe ; le Crédit foncier ne s’est pas moins engagé dans une série d’opérations absolument hasardeuses qui ont réagi sur la fortune publique, sur les intérêts privés, qui ont déterminé dans ses valeurs des oscillations considérables. Au milieu de ces mouvemens, les uns se sont enrichis, les autres ont pu se ruiner, et tout cela sous l’influence d’actes illégaux, œuvre dictatoriale d’administrateurs nommés par le gouvernement lui-même. Nous comprenons que M. Rouher ait tenu à dégager la responsabilité de l’état en laissant entrevoir la nécessité de mettre fin à une tutelle administrative qui peut se trouver ainsi compromise. C’est la moralité de cette discussion, certainement une des plus graves et aussi une des plus curieuses comme spécimen des embarras que le gouvernement se crée souvent à lui-même.

Ce que prouvent en même temps ces réveils de vie parlementaire, c’est la marche des esprits. Il est certain qu’il y a quelques années à peine des débats aussi sérieux, aussi décisifs, n’auraient point été possibles, et sous ce rapport nous ne méconnaissons pas un progrès qui a surtout son point de départ dans une date que M. Émile Ollivier remet aujourd’hui en lumière par son livre sur le 19 janvier : livre curieux assurément, qui est une autobiographie de l’auteur, une profession de foi adressée par lui à ses électeurs de Paris, et le rêve rétrospectif d’un homme qui a failli être premier ministre ou tout au moins ministre de l’instruction publique. M. Émile Ollivier a eu l’heureuse fortune d’avoir un rôle dans les préliminaires de cette crise du 19 janvier 1867, qui en définitive a été favorable aux libertés de la France, et il tient à dire quel a été ce rôle. Malheureusement c’est une question de savoir si ce livre intéressant et quelquefois piquant est très propre à servir l’auteur dans ses desseins d’action politique. C’est le livre d’un esprit sincère, très préoccupé d’éviter les faux pas et de se montrer désintéressé ; ce n’est pas l’œuvre d’un esprit vraiment politique, et nous nous permettrions volontiers de dire que ce que M. Émile Ollivier a de mieux à faire, c’est de rester l’ingénieux avocat consultant des réformateurs dans l’embarras. Sait-on pourquoi M. Émile Ollivier est si vif, si acerbe contre M. Rouher ? Ce n’est point du tout parce que M. Rouher lui a ravi l’honneur d’accomplir les réformes du 19 janvier en les diminuant, et parce que M. le ministre d’état, comme on l’a dit spirituellement, aurait pris