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de ce libelle en affaiblit l’autorité, et que les accusations qu’il contient manquent tout à fait de vraisemblance. L’auteur a pris soin lui-même de nous apprendre qu’elles ne sont qu’une protestation isolée quand il nous dit que Calliste a séduit tout le monde, et qu’il est seul à lui résister. Il n’en est pas moins certain qu’écrivant pour des contemporains, s’il a dénaturé les faits, il ne les a pas entièrement imaginés. M. de Rossi pense que le fond du récit doit être vrai, et que, par exemple, il faut croire ce qu’il nous dit de l’origine de Calliste et de sa première profession. C’était donc un ancien esclave et il avait longtemps fait la banque sur le Forum. N’est-ce pas un fait significatif qu’à ce moment, deux siècles à peine après la mort du Christ, la société chrétienne de Rome, ayant besoin d’un chef, allât chercher un ancien banquier? C’est qu’elle était déjà devenue riche; elle commençait à se préoccuper des intérêts temporels. Il ne suffisait plus à celui qui la dirigeait de savoir gouverner les âmes, il fallait qu’il sût aussi administrer les affaires. Il paraît du reste qu’en choisissant Calliste les chrétiens ne s’étaient pas trompés. On entrevoit dans les aveux involontaires de l’auteur des Philosophoumena que ce pape fut un habile organisateur, une sorte d’homme d’état libéral et éclairé qui fit des règlemens utiles pour la discipline de l’église. Le peuple de Rome persiste à se rappeler son nom longtemps après avoir perdu la mémoire de ses actes, et M. de Rossi a raison de voir dans cette persistance un souvenir lointain du grand rôle que Calliste avait joué.

C’est aussi un passage des Philosophoumena qui a fait comprendre à M. de Rossi le changement que le cimetière des Cæcilii avait subi sous Septime Sévère, et comment il a fini par prendre le nom d’un pape qui n’y a pas même été enseveli[1]. Il y est dit que Zéphyrin, quand il eut été nommé évêque de Rome, fit venir Calliste d’Antium, où il était relégué depuis son retour de Sardaigne, et qu’il lui confia « le cimetière. » Il s’agit sans nul doute du cimetière de la voie Appienne, qui a conservé son nom; mais comment expliquer cette façon étrange de le désigner? Les chrétiens en possédaient alors un grand nombre; ils en avaient de plus anciens, par exemple celui de Domitilla, qui date du Ier siècle; ils en avaient de plus respectés, la crypte du Vatican, où les premiers papes étaient enterrés. Pourquoi celui de la voie Appienne est-il appelé le cimetière, comme s’il était seul? C’est qu’évidemment il se trouvait dans une situation différente de tous les autres. M. de Rossi sup-

  1. Calliste, à ce qu’on croit, périt dans une sédition populaire. On porta son corps dans le cimetière de Calépode, qui était le plus voisin du lieu où il fut tué. Aussi ce cimetière, qui était situé près de la voie Aurélienne, porte-t-il quelquefois le nom de cimetière de Calliste, comme celui de la voie Appienne.