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tats étaient si nouveaux et si curieux qu’on en fut vraiment ébloui. Il n’a plus aujourd’hui de ces révélations à nous faire; il nous a dit son opinion sur l’origine et les développemens des cimetières; il faut qu’il établisse sur les faits et par des recherches patientes et infinies les théories générales qu’il nous avait données d’abord. Il semble que ce soit une tâche plus ingrate; en réalité, l’œuvre n’a pas moins d’intérêt et de vie, et ceux qui consentent à suivre l’auteur dans ces études pénibles sont bien payés de leur peine. Que de découvertes inattendues au milieu de ces détails et de ces minuties! que d’événemens qu’on connaissait mal sont définitivement expliqués ! que de personnages ignorés reviennent à la lumière! L’histoire des papes du IIIe siècle est à refaire, et M. de Rossi a fourni des documens qu’on ne soupçonnait pas à ceux qui voudront recommencer l’œuvre de Baronius.

Je dois pourtant avertir, pour ne tromper personne, que les travaux de M. de Rossi sont par certains côtés une œuvre de divination. Le mot est de lui, et il l’accepte sans scrupule, il se trouve en présence de manuscrits interpolés et corrompus, de monumens ruinés, d’inscriptions en poussière. Il lui faut suppléer à ce qui manque, refaire ce qui est perdu. Personne sans doute n’est plus propre que lui à reconstruire ces débris. Il s’y est préparé par une lecture immense, les deux antiquités lui sont également familières, il connaît la littérature classique et l’archéologie païenne aussi bien que les pères de l’église et les monumens chrétiens; mais, quoique cette érudition solide et étendue diminue les chances d’erreurs, il n’en est pas moins vrai que l’essence du travail qu’il entreprend, c’est la conjecture. Ne faisons donc point à l’auteur un reproche de ce qui est la condition même de son ouvrage. Il doit nous suffire que ces conjectures soient le plus souvent entourées de tant de vraisemblances accumulées qu’elles touchent presque à l’évidence. D’ailleurs M. de Rossi livre ses preuves au public. Tout le monde est libre de les discuter. On peut douter où il a cru, contester où il affirme. C’est ce qui se fera, je n’en doute pas; les convictions religieuses engagées dans le débat nous assurent qu’il sera sérieux, et l’on peut espérer que la certitude naîtra de ces discussions savantes. Il est certain du moins que, si sur quelques points les opinions de M. de Rossi pourront être rectifiées, l’ensemble du vaste monument qu’il élève restera debout, et que dans l’avenir il honorera notre temps.

Le second volume de la Rome souterraine a cet avantage de former un tout et de se suffire à lui-même. M. de Rossi y traite du cimetière de Calliste, un des plus importans de Rome. Il était jusqu’ici parfaitement inconnu. On n’en savait pas même la situation,