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petits comptes comme pour les gros, et chacun aurait dans la monnaie nationale un point de repère pour les règlemens avec le dehors. Quant à la Russie, il y a lieu de croire qu’elle ne ferait pas difficulté d’adopter un système qui la mettrait en rapport avec l’Europe et avec le monde entier. Cela lui serait d’autant plus facile que, malheureusement pour elle, elle ne connaît guère aujourd’hui la monnaie métallique; elle est livrée au papier-monnaie, et son rouble perd dans les échanges de 12 à 15 pour 100. Le jour où elle répudierait le papier, et il faut espérer que ce jour viendra, elle n’aurait pas de frais de transformation à subir, elle n’aurait qu’à frapper la nouvelle monnaie au lieu de l’ancienne. Je ne parle pas des autres petits états, qui en Europe comptent par ducats, rixdalers et piastres; ils feraient tout naturellement ce que feraient les grands. Ainsi la pièce de 10 francs se présente avec les avantages suivans, qu’aucune autre ne possède au même degré; elle est parfaitement décimale, cadre assez bien avec tous les systèmes, et elle donne une unité suffisamment forte, aussi forte qu’on le désirera. Il va sans dire qu’on ne serait pas obligé de s’en tenir à cette pièce, qu’on pourrait en frapper de 20 francs et même d’une valeur plus élevée, à la condition de se renfermer dans le système décimal. On éviterait ainsi l’usure trop forte.

Restent à examiner maintenant les questions accessoires de dépense et de susceptibilité nationale. Nous avons dit que le délégué américain, en estimant à 2 millions de dollars ce qui était prélevé chaque année par les changeurs à cause de la différence des monnaies, avait prétendu qu’il n’en coûterait pas davantage pour réaliser l’unité monétaire. Si l’on réfléchit en effet qu’il ne serait pas nécessaire de refondre toutes les monnaies, qu’il serait possible de les laisser coexister à côté de la monnaie internationale, et qu’il n’y aurait à créer que celle-ci dans la mesure des besoins, on peut supposer que la dépense ne serait pas très considérable. Si l’on évalue les besoins immédiats à 5 milliards, et qu’on compte le prix de monnayage à 1/5 pour 100, prix de la fabrication des pièces d’or en France, ce serait une dépense exacte de 10 millions pour tous les états qui accéderaient à l’unité, et répartis d’après l’importance de chacun. Encore faut-il ajouter qu’elle pèserait non sur les gouvernemens eux-mêmes, mais bien sur les particuliers, qui feraient fabriquer la monnaie internationale, comme cela se pratique dans la plupart des états. Le fait de convertir un lingot en monnaie, de le frapper à une effigie quelconque, d’en garantir le titre et le poids, constitue un service. Le métal ainsi frappé et garanti circule plus facilement que le lingot, et entre mieux dans les relations commerciales. — Pourquoi donc l’état rendrait-il ce