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divisions monétaires existant dans plusieurs pays, et enfin elle jouit d’une certaine notoriété, puisque c’est une des monnaies du groupe des adhérens à la convention de 1865. Quelle objection peut-on lui faire?

On dit d’abord, au point de vue anglais, car c’est toujours de là que vient l’opposition, on dit qu’elle se rapprochera trop du demi-souverain de 12 fr. 50 cent., qu’il y aura danger de confondre les deux pièces, et que les caissiers seront peu disposés à les accepter l’une et l’autre. Cette objection n’est pas sérieuse. La distinction peut être assurée de bien des manières. Elle peut se faire par une épaisseur plus grande et une dimension plus faible, par une tranche et une empreinte particulières. Il nous semble qu’ainsi le danger de la confusion serait facile à éviter. Quand nous avions en France les pièces de 24 et 48 francs en concurrence avec celles de 20 et de 40, personne ne s’y trompait, et ne les prenait l’une pour l’autre malgré le rapprochement de poids; il y avait des différences qu’on saisissait au premier coup d’œil. Il en sera incontestablement de même pour la nouvelle pièce de 10 francs vis-à-vis du demi-souverain. On ajoute qu’en la donnant comme l’équivalent de 8 shillings pour la rendre décimale et la faire reposer sur le penny, qui en serait la 100e partie, on affaiblit singulièrement la valeur de cette dernière monnaie. Le shilling étant de 12 pence, 8 shillings représentent 96 pence, soit 4 pour 100 de plus que la division centésimale de la pièce de 10 francs. Il en résulte que tous les intérêts qui reposent sur le penny seront sacrifiés, qu’ils éprouveront un préjudice considérable, et alors on fait l’énumération de ces intérêts, parmi lesquels on cite les péages sur les ponts et routes, les tarifs des chemins de fer pour les transports à petite vitesse. On peut répondre que c’est là une anomalie qui tient à ce que le penny vaut un peu plus au détail que lorsqu’il est converti en shillings, mais que dans la pratique personne n’y fait attention. Il est impossible en effet de considérer le penny en lui-même, abstraction faite du rapport qu’il présente avec le shilling. Intrinsèquement il n’a, pour ainsi dire, aucune valeur, comme toute monnaie de billon; la plus-value qu’on lui attribue est purement arbitraire, et n’a aucune conséquence. On n’exigera point 12 pence au lieu d’un shilling, on ne se refusera même point à prendre un shilling pour 2 ou 3 pence et à rendre le surplus. Il n’y a donc pas de distinction à faire entre les deux monnaies, et quant aux minces perceptions sur les ponts et sur les chemins de fer, elles arrivent bien vite à se grouper assez pour être payables en shillings. Enfin personne ne se soucierait d’encaisser une quantité considérable de cette menue monnaie pour l’avantage de 4 pour 100 qu’on pourrait