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qu’il en coûterait autant pour ramener la livre sterling à 25 fr. que pour créer tout autre type monétaire, qu’il faudrait toujours la refondre, et les Anglais ne paraissent pas du tout disposés à rien retrancher de leur livre sterling, qui est la base de tous les contrats. Il en serait de même du dollar américain, qui vaut 5 fr. 30 cent., et de la piastre espagnole, qui est du même prix. En outre, avec ce système, l’unité n’est pas faite. Quel est le premier avantage qui doit en résulter? C’est que tous les comptes soient établis de la même manière et avec les mêmes chiffres. Or, si les uns sont exprimés avec l’unité de 25 francs, les autres avec celle de 15 francs, d’autres avec celle de 10 francs, il faudra toujours des calculs pour les ramener au diviseur commun de 5 francs. Si simples et si faciles que soient ces calculs, ils n’en seront pas moins un obstacle à l’identité absolue des comptes, qu’on ne pourra pas saisir du premier coup d’œil. Maintenant a-t-on considéré que, comme les subdivisions de la pièce de 5 francs ne répondent à aucune des monnaies aujourd’hui existantes, excepté dans le groupe des adhérens à la convention de 1865, on ne s’entendrait pas pour les valeurs inférieures à ce chiffre, qu’on n’aurait aucun moyen de les indiquer de la même manière? Et en définitive ces valeurs sont les plus nombreuses et les plus intéressantes, celles qui, dans les mercuriales et les circulaires, indiquent le prix des marchandises. On ne peut pas ne faire l’unité que pour les gros comptes, il faut la faire aussi pour les petits. Voilà les objections qu’a rencontrées immédiatement et presque partout la pièce de 5 francs, et qui l’ont fait écarter. Alors il n’y a plus eu de système ayant, pour ainsi dire, une autorité quasi officielle; chacun s’est retrouvé en face de son inspiration, et c’est ainsi que nous avons vu se produire d’abord le système du gramme dont nous avons parlé tout à l’heure, puis un autre système exclusivement anglais qu’il nous reste à examiner.

Ce système, présenté dans l’Economist et soutenu par un homme considérable, directeur de ce recueil, M. Walter Bagehot, n’a pas pour but de réaliser l’unité absolue; il s’adresse à la race anglo-saxonne, et lui propose une union monétaire pour elle seule, sauf aux autres peuples à l’adopter, si cela leur convient. Voici quel serait le plan : la livre sterling, telle qu’elle est, n’est pas décimale, il n’y a dans la monnaie anglaise aucune division par 10, par 100 ou par 1,000, à laquelle elle corresponde; il faudrait d’abord la rendre décimale. C’est un avantage essentiel pour la simplicité des comptes, et les Anglais le reconnaissent comme tout le monde. On la rendrait décimale en l’appuyant sur le fartthing, qui est la plus petite monnaie de nos voisins et le quart d’un penny; mais la livre sterling ne vaut aujourd’hui que 960 farthings. Pour qu’elle en valût 1,000,