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à celle de 5 francs, comme étant un diviseur commun pour toutes les autres. On s’est ensuite séparé, afin que chacun pût en référer à son gouvernement; mais aussitôt que dans les divers états des commissions furent saisies de la question, on s’aperçut que la pièce de 5 francs n’avait aucun avantage essentiel et qu’elle n’atteignait pas le but qu’on se proposait. D’abord elle n’est pas décimale par elle-même, elle n’est qu’un multiple par cinq d’une unité décimale, le franc; puis elle a paru, dans certains états, représenter un chiffre trop faible. On a trouvé qu’elle n’était pas en rapport avec le progrès de la richesse, qui se compte maintenant par milliards, et avec les développemens économiques de toute nature. Cette objection a surtout été présentée par les Anglais, qui ont déclaré que leur livre sterling était à peine assez forte. Nous avons vu, dans un pays du nord, en Suède, sur le rapport de son délégué à la conférence, établir une monnaie d’or de 10 francs comme devant constituer l’unité monétaire du pays. Enfin on a fait à la pièce de 5 francs, au point de vue de la circulation, une dernière objection : on a dit que, frappée en or, elle serait trop petite, facile à perdre et trop prompte à se détériorer. Un économiste distingué en Angleterre, M. Jevons, a établi dernièrement un calcul assez curieux. Il a rapproché les souverains et demi-souverains qui sont en circulation depuis un certain nombre d’années, et il a constaté que le demi-souverain s’usait moitié plus vite que la pièce entière, que l’une pouvait rester dans la circulation dix-huit ans sans descendre au-dessous du poids légal de tolérance, tandis que l’autre n’y restait que dix ans. Cette expérience prouve qu’avec la pièce de 5 francs l’usure serait plus rapide encore, et que les nations perdraient chaque année, du fait de leur monnaie internationale, une somme assez considérable. Les inconvéniens de la pièce de 5 francs sont si généralement sentis que, dans l’enquête qui vient d’avoir lieu en France sur le double étalon, la plupart des autorités consultées ont cru devoir l’exclure, tout en se prononçant pour la monnaie d’or. On avait été conduit à choisir la pièce de 5 francs parce qu’on supposait qu’elle s’adapterait mieux avec les monnaies actuellement en cours dans les divers pays; on trouvait qu’elle était une division de la livre sterling réduite à 25 fr., qu’elle en était une également des termes de l’équation que les Allemands avaient établie en 1857 pour mettre leurs monnaies d’accord. Cette équation se formule ainsi : 4 thalers = 6 florins du sud, = 7 florins du nord, = 15 francs de monnaie française; elle paraissait enfin se rapprocher assez du dollar américain et de la piastre espagnole pour qu’il n’y eût pas une trop grosse difficulté aies fondre ensemble. On n’avait pas suffisamment réfléchi que l’assimilation était plus apparente que réelle, et