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enseigne que les réformes les meilleures, les plus assurées, sont celles qui s’accomplissent degré par degré. L’esprit s’habitue mieux aux petits changemens qu’aux grands, une réforme en amène une autre, et le progrès général de l’humanité s’accomplit ainsi sans secousse et avec un caractère durable. Nous ne rechercherons donc pas s’il vaudrait mieux commencer par le système des poids et mesures ou par la monnaie; nous proposons la monnaie, parce que l’attention nous paraît plus portée de ce côté en ce moment, que la question est discutée tous les jours, et qu’elle l’a été notamment avec une certaine solennité dans la conférence internationale de 1867 à Paris. D’ailleurs la monnaie joue aujourd’hui dans les rapports internationaux un rôle qu’elle n’avait pas autrefois. Les métaux précieux voyagent et s’échangent dans des proportions considérables. Un auteur que j’ai déjà eu occasion de citer avec éloge pour ses études statistiques des plus consciencieuses, M. Clément Juglar, nous apprend que, dans la période de 1841 à 1847, le mouvement des métaux précieux en France a été en moyenne par an de 276 à 292 millions; dans l’année 1866 seule, il s’est élevé à 1,554 millions, dont plus des 2/3 en monnaie métallique, c’est-à-dire en monnaie qui, pour entrer dans la circulation des pays où elle arrive, a besoin de se transformer et de subir tous les frais que cette transformation entraîne. On peut juger par là de l’importance et de l’urgence de la réforme, et il ne faut pas trop s’étonner qu’on lui donne la préférence même sur l’unité des poids et mesures. Cette dernière d’ailleurs a déjà été consacrée légalement par 300 millions d’individus dans le monde, qui adoptent notre système métrique : ils en font plus ou moins usage ; mais, du moment que la loi n’y est plus opposée, ils finiront bien un jour par s’y rallier complètement. L’unité monétaire, telle qu’elle résulte de la convention de 1865, n’a encore que 100 millions d’adhérens; c’est donc de ce côté qu’il faut diriger les plus pressans efforts.


II.

Plusieurs systèmes ont été mis en avant pour réaliser cette unité. Nous nous proposons d’examiner les principaux, et nous allons commencer par le plus radical, par celui qui consiste à ne tenir aucun compte des monnaies actuelles et à prendre le poids comme base de la réforme. L’unité de poids, d’après le système métrique, est le gramme avec ses multiples et ses sous-multiples. On propose de l’appliquer à la monnaie et de frapper des pièces sinon d’un gramme, ce qui en or, — car on veut l’étalon d’or unique, — serait