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pendant l’ajustement, la coiffure, les lignes générales, suffisent pour donner une idée de la beauté de Messaline. Malheureusement les monnaies gravées à Rome par l’ordre du sénat sont inconnues aux modernes. Après la mort de Messaline, Agrippine, qui lui succéda, eut soin de faire refondre les monnaies qui portaient l’image de sa rivale. C’est ainsi que Messaline avait fait fondre les monnaies de bronze[1] de Caligula, et avait employé le métal à élever des statues sur les places de Rome à l’acteur Mnester, son amant.

Sur le camée de Vienne, la figure de Messaline, quoiqu’elle ne soit qu’au second plan, est d’une élégance et d’une pureté conformes aux habitudes des artistes grecs et surtout des graveurs de camées; mais le plus remarquable travail de ce genre, consacré à la glorification de Messaline, est le grand camée de la Bibliothèque impériale qui porte le n° 228. C’est une sardoine à trois couches qui a 68 millimètres de hauteur dans son grand axe sur 54 millimètres de largeur dans son petit axe. La beauté de ce camée a tellement frappé Rubens qu’il a voulu le copier lui-même, ajoutant par là à sa célébrité. L’impératrice porte une couronne de lauriers attachée par un double rang de perles; sa chevelure est épaisse, ondulée; en avant, se rangent sur le front de petites boucles légères et détachées comme sur les coiffures dites aujourd’hui à la Sévigné; la masse des cheveux, tournée négligemment, est rejetée derrière l’épaule. Une corne d’abondance se dresse derrière le buste; du sommet de cette corne sort un petit enfant qui est Britannicus, alors l’espoir des Romains. Dans le champ est une petite figure casquée où l’on a voulu quelquefois reconnaître Octavie, et qui paraît être plutôt la déesse Rome.

Ainsi avertis par les médailles et les matières rares, guidés avec une sécurité croissante vers les monumens plus importans, nous arrivons à la sculpture proprement dite, qui exprime les types individuels avec cet accent de vérité qui est le propre de l’art romain. Or le musée du Louvre, parmi ses richesses, compte trois statues de femmes de la famille d’Auguste, les plus belles et les plus caractéristiques que l’on connaisse avec la statue d’Agrippine : c’est Livie, Julie et précisément Messaline. Cette dernière statue a été apportée en France au XVIIe siècle ; elle vient de Rome ; elle est en marbre pentélique ; elle est restée longtemps à Versailles. C’est une figure drapée, aux plis nombreux et abondans; un voile couvre la tête; il est ramené par la main droite avec un geste de matrone. Sur le bras gauche, le petit Britannicus est assis comme Bacchus

  1. Les monnaies retrouvées par les modernes prouvent que cette opération n’a eu lieu qu’à Rome, et a été fort incomplète.