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et la mieux conservée est celle que possède le musée du Louvre. Je ne parle point de celle qui représente Claude revêtu d’une cuirasse et du costume militaire; elle est d’un style lourd. Je signale la statue qui fait pendant au Germanicus et qui a été trouvée dans les ruines de Gables par le prince Borghèse : de la villa Borghèse, elle a passé dans le palais du Louvre.

Claude est debout, en costume héroïque, c’est-à-dire le torse nu, tandis que le manteau qui couvre le bas du corps est rejeté sur le bras gauche. C’est l’attitude de la magnifique statue d’Auguste trouvée récemment dans la villa de Livie. La main gauche tient l’épée courte (parazonium), qui est le symbole d’un chef militaire; le bras droit est levé avec majesté comme pour commander à l’univers. A travers cette conception tout idéale, on croit sentir dans les hanches un certain embarras, et il semble que la jambe droite s’appuie sur le tronc de palmier qui sert de piédestal avec plus de rigidité qu’il n’est nécessaire. A part ce trait caractéristique, on n’est frappé que par l’expression de la tête, qui présente l’accent de vérité le plus imprévu. Avant de la décrire, jetons un regard sur les autres portraits de Claude : rien ne fera mieux comprendre l’importance qu’il faut attacher à ce beau marbre.

Le célèbre buste que l’on voit à Madrid est de proportion colossale; il représente Claude divinisé. Sa tête est couronnée de rayons, comme le dieu-soleil; le torse, terminé et enveloppé par une guirlande de lauriers, repose sur un trophée d’armes et un aigle impérial. La figure du nouveau dieu a quelque chose de radieux; l’œil se dilate et regarde avec une sorte d’extase comme s’il voyait le ciel s’entr’ ouvrir. Cette œuvre est une fiction religieuse qui n’a rien de commun avec la réalité. On sait en effet qu’elle a été trouvée sur la voie Appia, à Bovillæ, où s’élevait le tombeau de la famille Julia; elle est restée assez longtemps au palais Colonna, jusqu’à ce que le cardinal Ascanio Colonna en fît présent à Philippe IV, roi d’Espagne. Il faut examiner avec la même réserve les camées commandés par les empereurs, exécutés sous leurs yeux, destinés à figurer dans leur collection du Palatin. De telles représentations sont dictées par la flatterie, surveillées par mille regards intéressés, et si l’artiste qui les exécute a pour principal talent la patience, l’art lui-même tient en quelque sorte à la domesticité. Ainsi le camée célèbre du musée de Vienne, qui représente le buste de Claude monté sur une corne d’abondance et les profils symétriquement disposés de trois membres de la famille impériale, offre des traits transfigurés par l’idéal grec : on ne reconnaîtrait pas même Claude sans le pli traditionnel qui contracte le coin de sa bouche et rappelle le rictus dont parle Suétone. La même réflexion s’applique aux camées de notre Bibliothèque impériale qui portent les n°’ 220 et 221,