Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 80.djvu/337

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

métallique, qui est la fortune d’autrui bien plus que la sienne, et qui est la garantie des billets en circulation. Dans les circonstances ordinaires, elle est suffisamment défendue par une compagnie de soldats d’abord et aussi par un poste permanent de pompiers. Chaque nuit, des garçons de recette désignés veillent près du vestibule de la caisse principale, que des hommes de confiance ne quittent jamais. D’heure en heure, les garçons font une ronde qui embrasse les cours, les écuries, les jardins, les couloirs, les combles. Partout ils ont à prouver leur régularité en remontant des cadrans qu’on a placés dans les endroits les plus écartés les uns des autres. Ils doivent à chaque ronde tirer une sonnette qui correspond au poste des pompiers comme pour leur dire : nous veillons, veillez-vous? En outre, par un guichet semblable à la bouche d’une boîte à lettre, ils jettent un marron, sorte de plaque de 4nc carrée, qui glisse jusque dans la chambre de l’officier de service au poste des soldats. Il est curieux de faire cette ronde, de revoir dans le sommeil de la nuit les lieux qu’on a visités pendant le jour, lorsqu’ils étaient animés par le travail, par la foule, par une activité toute-puissante. Dans les galeries, dans les couloirs, dans les vastes salles désertes, plane une odeur fade et neutre, celle de la poussière; les pas retentissent sur les parquets de bois et éveillent des échos sonores; le gaz tremble devant les fenêtres entr’ ouvertes; parfois, derrière une croisée, on aperçoit une ombre noire qui se promène régulièrement : c’est un planton qui toute la nuit arpente une terrasse par où l’on pourrait peut-être s’introduire dans l’hôtel. Des chats effarés se sauvent, et au bruit des portes qu’on ouvre des araignées filent lestement le long des murs pour aller se cacher derrière leurs toiles tissées à l’angle des plafonds. C’est en parcourant ce grand désert silencieux, en montant dans les greniers, où souffle l’aigre brise de la nuit, qu’on peut apprécier les précautions que la Banque a prises pour se défendre contre l’incendie. Dans chaque salle, des pompes sont gréées; partout où il y a des pans de bois, des haches sont appendues aux murailles, de longues conduites d’eau rampent comme des serpens le long des piliers de pierre, et aboutissent à des robinets dont chacun a un numéro d’ordre. Vingt-quatre réservoirs contenant 72,000 litres d’eau sont toujours pleins et prêts à toute éventualité. Ce n’est pas assez; à chacun des angles du quadrilatère de la Banque, une prise est directement branchée sur la conduite d’eau de la ville, et la pression y est suffisante pour qu’au besoin le jet liquide dépassât la partie la plus élevée des constructions. Tout cela est fort bien et peut, dans un moment donné, être très utile; mais ce qui vaut mieux encore, c’est la surveillance journalière, ce sont les soins as-