Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 80.djvu/330

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les banquiers et les changeurs, qui font le commerce des monnaies et gardent souvent leurs métaux précieux avant de les envoyer à l’hôtel du quai Conti, mais les mobilisent en quelque sorte en empruntant une somme à peu près égale à la valeur du nantissement. Les diverses opérations que je viens d’énumérer sont actes de banquier; la Banque de France intervient aussi comme simple dépositaire, et se charge des objets précieux qu’on lui confie. Elle devient alors comme une caisse de sûreté dans laquelle chacun a le droit de faire enfermer ses diamans, bijoux et objets précieux, excepté toutefois l’argenterie, lorsqu’elle présente un volume qui ne permet pas de faire passer dans l’escalier de la caisse les boîtes où elle est contenue. Le droit de garde auquel les dépôts sont assujettis est fort minime, et équivaut jusqu’à un certain point à une prime d’assurance. Il est de 1 fr. 25 cent, pour 1,000; mais la valeur d’un dépôt est toujours censée représenter au moins 5,000 fr. Le déposant signe sur un registre l’acte de dépôt, en regard duquel il applique un cachet analogue à celui qui scelle la boîte renfermant les objets, qui ont été vérifiés en sa présence. Le dépôt est fait pour six mois, c’est-à-dire que, ne serait-il laissé que vingt-quatre heures à la Banque, il est frappé d’un droit représentant une demi-année de garde. Presque tous les diamans appartenant à des personnes qui vont d’habitude à la campagne passent l’été dans les armoires de la Banque. Si la caisse des dépôts pouvait parler, elle fournirait plus d’un curieux chapitre à l’histoire contemporaine. Elle dirait qu’il y a longtemps, — je me hâte d’ajouter que c’est avant notre douloureuse expédition du Mexique, — elle a contenu toutes les dépouilles de la cathédrale de Mexico : ostensoirs garnis d’émeraudes et de diamans, crucifix, statuettes d’or, encensoirs de vermeil, bagues à chaton d’améthiste, crosses pastorales émaillées. Que sont devenues ces richesses ? Il est difficile de le savoir; mais les brocanteurs, les joailliers, les changeurs, les petits banquiers de Paris, pourraient peut-être en raconter quelque chose.

Nulle prescription ne peut atteindre un dépôt, et il y en a dans les caisses de la Banque qui y sont pour jamais. Ce sont des titres au porteur émis, au moment du grand agiotage de 1838, par des sociétés industrielles pour lesquelles des asphaltes imaginaires, des bitumes problématiques et d’invraisemblables charbons étaient un sûr moyen de vider les poches d’actionnaires plus cupides que clairvoyans. Quelques-uns des titres dont ces compagnies avaient inondé la place de Paris ont été déposés jadis à la Banque comme un bien précieux. Les propriétaires les y laissent sans mot dire, car ces paperasses n’ont plus aucune valeur, pas même celle du droit de garde qu’il faudrait acquitter, si on les voulait retirer. Ce sont jus-