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entraîne, causer quelques embarras à la Banque, si elle ne savait toujours se maintenir à la hauteur de sa grande mission[1].

La Banque fait aussi des avances sur des valeurs mobilières qui ont été étroitement déterminées par la loi; de quelque nom qu’on veuille appeler ce genre d’opération, c’est le prêt sur nantissement. Nulle demande d’avances n’est acceptée, si elle n’est accompagnée d’un certificat signé par une personne ayant un compte courant et attestant que le postulant a toujours fait honneur à sa signature. Dans le bureau des avances, de larges ardoises, fixées à la muraille au-dessous de l’énoncé des titres reconnus, relatent le cours de la Bourse pour chacune de ces valeurs et la somme proportionnelle qu’on peut prêter dessus, qui est généralement de 60 pour 100; de cette façon, il n’y a jamais hésitation de la part de l’emprunteur, un seul coup d’œil lui apprend à quoi il peut s’en tenir. Ce service est assez considérable et a entraîné pour l’année 1868 un mouvement de fonds de 433,415,450 francs; le prêt a lieu pour deux mois, avec facilité de renouvellement, et est grevé d’un intérêt annuel de 3 pour 100. Comparé aux bureaux de l’escompte, du comptant, à la galerie, ce bureau est d’ordinaire assez silencieux; mais il n’en est pas toujours ainsi. Quand l’état se décide à faire un emprunt, c’est à qui viendra apporter là ses titres de rente, ses actions, ses obligations, ses bons du trésor, pour avoir de l’argent comptant, qui permet de souscrire et de réaliser quelques bénéfices. On a gardé le souvenir de 1852. Ce fut une année exceptionnelle. La presse ne pouvait faire entendre sa voix ; nul contrôle n’existait. Cette heure de mutisme et de menace fut celle d’une spéculation effrénée; toutes les nobles aspirations étant comprimées, les mauvais instincts se ruaient à la curée. Les affaires les plus folies, les plus véreuses, s’étalèrent au grand jour. Tous les aventuriers de l’industrie se jetèrent dans la mêlée avec une hâte et une impétuosité qui semblaient signifier : dépêchons-nous de faire fortune pendant qu’on ne peut rien dire. La Banque reçut le contre-coup de toutes ces convoitises dépravées. Les employés du bureau des avances, surmenés par un labeur excessif, avaient à peine assez de la journée pour répondre aux demandes qui les assaillaient.

Si la Banque accorde des avances sur valeurs mobilières, à plus forte raison en fait-elle sur lingots d’or et d’argent et sur pièces étrangères. Cette opération est presque exclusivement exploitée par

  1. La progression du service du comptant est saisissante: en l’an IX, au début, 58,750 effets représentant 122,027,033 francs 72 cent.; — en 1848, 368,984 effets et 420,784,165 francs 03 cent.; — en 1868, 1,890,515 effets et 2,297,304,296 fr. 33 cent. Cette proportion toujours croissante a obligé la Banque à se pourvoir récemment de quarante nouveaux garçons de recette, et il est à présumer qu’on n’en restera pas là.