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Il faut donc toujours le concours de deux personnes pour ouvrir les énormes serrures derrière lesquelles le papier attend l’heure où il recevra les signes qui en font la valeur.

Lorsque la quantité de billets fatigués et rentrés fait sentir la nécessité d’en émettre de nouveaux, le gouverneur avise le conseil-général, et lui demande l’autorisation d’en créer. Le conseil indique alors le nombre d’alphabets, la date qui leur sera assignée et les diverses coupures. Deux alphabets ne portent jamais la même date. Si dans la séance du 15 février 1869, le conseil a arrêté qu’on émettrait trois nouveaux alphabets de 1,000 fr., le premier sera daté du 15 février, le second du 16, le troisième du 17. De cette façon, il ne peut y avoir de doute possible, si plus tard on rapporte à la Banque des billets avariés appartenant à ces émissions. Le chef de l’imprimerie se fait alors délivrer, sur récépissé signé de lui, les feuilles qui lui sont nécessaires, et, après les avoir comptées, les remet à ses ouvriers.

L’imprimerie est installée dans les bâtimens de la Banque; nul, s’il n’appartient à ce service spécial, n’a le droit d’y pénétrer. Elle est vaste, très éclairée, comme il convient à des ateliers de ce genre, et munie d’instrumens d’une précision extraordinaire. Les ouvriers chargés de manœuvrer les presses sont choisis avec soin, on peut dire de tous que ce sont des hommes de confiance; ils sont proprets, actifs et silencieux. Aux murailles sont appendus de grands cadres où l’on voit les spécimens des billets que la Banque a fabriqués pour les états pontificaux et l’ex-empire du Mexique; comme la banque dont ils devaient être l’instrument, ces derniers sont restés à l’état de projet. Dans un atelier spécial, on estampe sur des toiles en fils d’archal, nommées toiles vélines, les lettres qui doivent former le filigrane intérieur du papier. Les encres et feuilles non distribuées, les matrices des planches, sont gardées et renfermées dans une caisse dont le chef de l’imprimerie a seul la clé, et dont il est responsable. La planche qui sert pour l’impression des billets de 1,000 francs a été livrée en 1842 par M. Barre père, à qui elle a coûté trois années de travail; elle est en acier, et ne passe jamais sous les presses. Elle sert à faire des clichés à l’aide de la galvanoplastie, et ces clichés peuvent sans être trop fatigués tirer 50 ou 60,000 épreuves. C’est là le vieux système; il est délaissé aujourd’hui pour les nouvelles coupures. Maintenant on dessine un billet de banque à une échelle exagérée; par la photographie, on le réduit aux dimensions réglementaires, on le grave et on en fait des clichés. Le procédé est plus rapide, plus sûr et moins coûteux. Ce n’est pas à dire cependant que les essais soient moins lents, et qu’on arrive du premier coup à la perfection. La planche