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Le gouvernement provisoire avait pris en outre une excellente disposition par les décrets du 27 avril et du 2 mai, qui réunissaient à la Banque de France les banques précédemment créées à Rouen, à Lyon, au Havre, à Lille, Toulouse, Orléans, Marseille, Nantes et Bordeaux. Toutes ces banques partielles étaient alors indépendantes les unes des autres ; elles avaient leur capital et leurs statuts, ne considéraient que l’intérêt local, émettaient des billets qui, par suite du vieil esprit provincial, n’étaient payables qu’au comptoir même d’où ils étaient sortis. C’était en limiter la circulation au point de la rendre illusoire. Un billet de la banque de Lyon, ne pouvant être remboursé qu’à Lyon, constituait un instrument d’échange d’un emploi beaucoup trop restreint. La Banque, prenant à son compte les actions de ces établissemens, a fusionné avec ceux-ci, et les a remplacés par ses succursales, qui sont aujourd’hui au nombre de 62. On ne tardera point, d’après l’esprit de la loi de 1857, à en installer une au chef-lieu de chaque département. Dès lors l’impulsion devient unique et part de la banque centrale, qui fait mouvoir, active ou modère tous ces mécanismes éloignés. Aujourd’hui la Banque de France, dont le privilège a été prorogé jusqu’au 31 décembre 1897, possède un capital représenté par 182,500 actions nominatives, et a été autorisée à émettre des coupures de 50 francs.

La haute direction est représentée par le gouverneur et les sous-gouverneurs. Les régens, choisis par l’assemblée des actionnaires, sont élus pour cinq années, et renouvelés par cinquième. Trois d’entre eux doivent être receveurs-généraux et sont autorisés à habiter Paris. Les censeurs, nommés pour trois ans, sont remplacés par tiers. Les fonctions des uns et des autres sont gratuites. La réunion des censeurs et des régens sous la présidence du gouverneur forme le grand-conseil, qui décide sans appel; mais ce conseil se répartit en un certain nombre de comités qui préparent, sur l’initiative du gouverneur, toutes les affaires dont la Banque peut avoir à s’occuper[1]. La Banque représente donc un corps complet; sa tête, son cœur, ses membres, sont le gouverneur, les censeurs et les régens, les comités. Ainsi constituée, elle est l’artisan du crédit public; ses instrumens spéciaux de travail sont les billets qu’elle émet, et qui sont aujourd’hui la plus haute expression de la monnaie fiduciaire.

  1. Les comités sont au nombre de sept : 1° le comité des livres et portefeuilles, 2° le comité des succursales, 3° le comité des billets, 4° le comité des relations avec le trésor, 5° le comité d’escompte, 6° le comité des caisses, 7° le comité de vérification des titres. Tous ces comités fonctionnent à époques fixes, indépendamment des commissions spéciales qui peuvent être inopinément formées pour apprécier des faits provenant de circonstances exceptionnelles.