Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 80.djvu/304

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
I.

En 1800, le 24 pluviôse an VIII, plusieurs banquiers à la tête desquels se trouvaient Perregaux, Le Couteulx-Canteleu, Mallet aîné, Récamier, le fabricant de tabacs Robillard, se concertèrent pour arrêter les statuts d’une banque au capital de 30 millions répartis en 30,000 actions nominatives. Les opérations devaient être l’escompte, le recouvrement des effets, les dépôts et consignations, les comptes courans, enfin l’émission de billets au porteur et à vue. Il lui était interdit de faire tout autre commerce que celui de l’or et de l’argent. Dans les statuts primitifs, on retrouve d’une façon embryonnaire, mais déjà très nette, le système de gouvernement qui devait assurer à la Banque une stabilité que rien jusqu’à ce jour n’est parvenu à ébranler. Dès le 28 nivôse (18 janvier 1800), un arrêté consulaire ordonnait que tous les fonds reçus à la caisse d’amortissement fussent versés à la Banque de France. C’est là une consécration importante et qui peut dès lors faire préjuger du succès de l’entreprise. Cette dernière attendit cependant trois années avant de recevoir une constitution organique; ce fut la loi du 24 germinal an XI (14 avril 1803) qui la lui donna.

Par cette loi, le capital est porté à 45 millions, les coupures des billets sont fixées à 1,000 et à 500 francs. Le privilège est accordé pour quinze années; l’universalité des actionnaires est représentée par les 200 plus forts d’entre eux; convoqués en assemblée générale une fois par an, ils nomment au scrutin 15 régens qui administreront la Banque et 3 censeurs qui la surveilleront; les régens et les censeurs réunis forment le conseil-général. L’un des régens est nommé président pour deux ans par le conseil, et pendant toute la durée de ses fonctions il exerce une sorte de pouvoir exécutif. Ainsi qu’il est facile de le voir, nous sommes en république, car dans cette constitution très libérale on n’aperçoit pas l’ingérence de l’état. Il ne révèle pas son influence par des signes extérieurs; s’il l’exerce, c’est d’une façon amiable, mais sans aucun droit reconnu dans les statuts. Les actionnaires de la Banque, représentés par les administrateurs élus, étaient maîtres chez eux, indépendans de tout contrôle direct, et pouvaient n’avoir d’autre guide que leur intérêt particulier.

En 1805, pendant la campagne d’Allemagne, qui devait trouver un si rapide et si glorieux dénoûment à la bataille d’Austerlitz, la Banque traversa une crise difficile. Elle était alors installée dans l’hôtel Maissiac, qui occupe le n° 48 de la rue Pagevin. Chaque jour, la place des Victoires était remplie par des gens inquiets