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ou Grecs. C’est sur cette idée que sont fondés la plupart des projets expédiés par la France à Constantinople; l’Angleterre elle-même, quoiqu’elle n’ait pas le fanatisme de l’unité, semble avoir beaucoup espéré de cette réforme. C’est un principe tout européen que l’égalité devant la loi. Il paraît fort simple à proclamer; il est fort difficile à pratiquer dans un pays où la religion est la loi de l’état ou plutôt l’état lui-même. La Turquie cependant a reçu de très bonne grâce tous les projets parisiens fondés sur cette idée, et elle en acceptera autant qu’on lui en enverra. Je crois que ce qui les lui rend agréables, c’est qu’ils sont faciles à imprimer, faciles à faire louer en Europe en temps d’emprunts turcs, et impossibles à exécuter.

Le second moyen d’améliorer la condition des chrétiens d’Orient est la reconnaissance légale des diverses nationalités qui partagent la population de l’empire, et la concession faite à ces nationalités de droits et de privilèges particuliers. Souvent même cette reconnaissance de la nationalité d’une population a fait partie d’un traité conclu avec une puissance étrangère. Cet état de choses répugne aux idées d’égalité politique et civile de l’Occident; il s’accorde avec les idées et les traditions de l’Orient. Les diverses races chrétiennes y sont comme constituées naturellement en corps de nations par la reconnaissance de leurs églises. Ce moyen d’amélioration était donc celui qu’il était le plus raisonnable d’employer en Turquie. C’est de ce côté qu’il fallait pousser le progrès turc après le traité de 1856, afin d’en pratiquer et d’en appliquer l’esprit. L’Occident ne semble pas y avoir pensé.

Le troisième moyen d’améliorer le sort des populations chrétiennes, c’est l’indépendance. C’est le principe qui a été appliqué à la Grèce. Nous avons parfois, et bien malgré nous, contrarié les sentimens de nos amis d’Athènes en n’adoptant pas du premier coup leurs espérances patriotiques pour leurs frères d’Orient. Nous prenions la liberté de leur représenter que l’indépendance n’était pas pour les populations orientales la seule forme de l’amélioration, que l’important était de relever leur condition, de quelque manière que ce fût, — de faire que les chrétiens fussent partout supérieurs en nombre, en richesse, en instruction aux musulmans, et d’attendre l’effet naturel de cette supériorité. Ce que nous disions aux publicistes d’Athènes, qui ne concevaient d’autre amélioration que l’indépendance, nous le dirions volontiers aux publicistes d’Occident, qui ne conçoivent d’autre amélioration que l’égalité devant la loi pour tous les sujets turcs. Cette égalité est assurément une grande amélioration, et si grande même qu’elle nous semble impossible pour le moment en Turquie. Cependant il y a d’autres formes d’amélio-