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dans la condition des populations, il est une nécessité qui s’impose avant toute autre : c’est de s’éclairer sur l’état des choses en Crète et de se rendre un compte exact des besoins du pays... Le moment nous semble en effet venu de rechercher sérieusement l’origine du mal et les remèdes qu’il comporte. Les populations seules, librement et sincèrement consultées, pourraient l’indiquer. » Enfin l’accent de mécontentement de la France s’élevant toujours, le gouvernement français aboutit à la fameuse déclaration du 29 octobre 1867, rédigée et remise en commun à la Porte ottomane par la France, l’Italie, la Prusse et la Russie. Cette déclaration est l’apogée de la politique de 1856, et la Porte ottomane y est durement mise en demeure d’accomplir les améliorations sociales qu’elle a promises aux chrétiens d’Orient dans le traité de paix de Paris. Pourquoi faut-il que cette déclaration ait été, chose étrange, le point de départ pour la France d’une nouvelle politique, toute contraire à celle qu’exprimait si vivement cette déclaration même du 29 octobre?

Avant d’expliquer, autant qu’il est explicable, le brusque changement qui se fait alors dans la politique orientale de la France, signalons quelques-uns des passages les plus significatifs de la déclaration du 29 octobre.


« Dès le début des regrettables événemens survenus dans l’île de Crète, les grandes puissances se sont émues d’un état de choses qui non-seulement blessait leurs sentimens d’humanité, mais dont le contre-coup parmi les populations chrétiennes de la Turquie pouvait mettre en danger le repos de l’Orient et les intérêts de la paix générale. — Plusieurs d’entre elles se sont concertées pour recommander à la Porte d’arrêter l’effusion du sang et de rechercher en commun avec elles une solution à ce déplorable conflit par une loyale enquête sur les griefs et les maux des Candiotes... — Malgré leurs pressantes instances, aucune réforme organique n’a été appliquée jusqu’ici pour satisfaire aux maux des populations chrétiennes de l’empire ottoman, pour lesquelles le spectacle de cette lutte acharnée est une cause permanente d’excitation. — Dans ces conjonctures, les puissances qui ont offert leurs conseils à la Porte ont la conscience d’avoir accompli ce que leur dictaient leurs sentimens d’humanité et leur sympathie, non pas seulement pour les intérêts généraux des races chrétiennes, mais encore pour l’avenir de la Turquie elle-même, car il est indissolublement lié au bien-être et à la tranquillité des populations placées sous le sceptre du sultan. — Les cabinets appréhendent que la prolongation de ce sanglant conflit et la résistance obstinée de la Porte à d’amicales exhortations ne dissipent chez ces populations, au moment même où elles s’y rattachaient le plus fortement, l’espoir