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ment légales. Les enfans nés dans cet état jouissent de droits plus étendus; certaines stipulations particulières, interdites ailleurs, sont autorisées dans le contrat de mariage; la loi confère aux époux, dans des conditions déterminées, le droit d’hériter l’un de l’autre. N’est-elle pas fondée à imposer certaines obligations à ceux qui ont profité de ses faveurs? Elle ne serait injuste que si ses exigences dépassaient les nécessités réelles de l’ordre public, nécessités qui différent suivant la constitution sociale de chaque état. Dans une société aristocratique par exemple, la famille, dont tous les membres se groupent autour d’un chef commun pour augmenter son influence et son indépendance politique, ne saurait être ébranlée sans danger. Il importe dans ce cas que le mariage, base de la famille, demeure intact. Dans certaines sociétés démocratiques au contraire, on tient peu à conserver aux familles leur importance et les moyens de rester indépendantes. Dès lors la loi qui proscrit le divorce peut, en certains cas, se départir de sa rigueur.

Ces indications suffisent pour démontrer que dans la question de l’indissolubilité du mariage ce ne sont pas seulement les existences particulières qui se trouvent en jeu, et que, tout en tenant grand compte du bonheur des individus, il importe aussi d’examiner jusqu’à quel point les tempéramens qui seraient apportés à nos lois n’auraient pas une influence funeste sur l’avenir politique et économique du pays, et par conséquent dans quelle mesure. le divorce peut être toléré sans danger. Au reste, quelque opinion que l’on professe à cet égard, le livre de M. Tissot demeure toujours un ouvrage des plus sérieux, abondant en recherches, fertile en argumens, qui doit offrir un égal intérêt à ceux qui se montrent les partisans et à ceux qui demeurent les adversaires des opinions de l’auteur.


P. DE CHAMBARLHAC.


UN TOURISTE AMÉRICAIN EN FRANCE.
The Champagne Country, by Robert Tomes; New-York.


Il est d’usage de se défier un peu des récits de voyages. Lors même que l’on fait au narrateur l’honneur d’avoir confiance en sa véracité, on conserve encore quelques doutes sur l’exactitude de ses observations. Aussi y a-t-il un attrait de curiosité à savoir ce que des étrangers racontent de notre pays : c’est en quelque sorte la contre-épreuve des impressions que nos compatriotes rapportent d’une excursion au-delà de nos frontières. Les erreurs qu’un Américain commet en rendant compte de ce qu’il a vu chez nous doivent être l’exacte contre-partie des faux jugemens que nous pouvons craindre de la part de ceux d’entre nous qui ont visité l’Amérique.

Qu’on lise, par exemple, l’intéressant petit volume que M. Robert Tomes a publié récemment à New-York après un séjour de deux années à Reims. Ce qui frappe le plus le voyageur américain aurait échappé à tous les touristes français qui auraient visité la Champagne en même temps que lui. Dès l’arrivée, après un trajet en chemin de fer à grande vitesse qui l’amène sain et sauf avec tous ses bagages aux portes de Reims, se figure-t-on qu’il va se déclarer satisfait? Nullement. « Les employés du chemin de fer, dit-il, et les gendarmes sont polis, mais tracas-