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l’application du principe de la mutualité. Une société de secours compte déjà 300 membres participans, quoiqu’elle n’existe que depuis quatre ans : excellent symptôme à recueillir comme gage de rapprochement et d’alliance.

Pour amener un mouvement analogue dans les applications où il a le plus de peine à se prononcer, ce ne sont pas les bonnes volontés individuelles qui font défaut à Saint-Nazaire. On y trouve un grand nombre d’hommes expérimentés, fort au courant des nécessités maritimes et des exigences de la cité; seulement ils semblent tenir à s’effacer. On croirait difficilement que, sur un terrain aussi neuf, les valeurs individuelles aient tant de peine à se manifester, et que les entraves artificielles soient aussi puissantes. Moins on aime à se mettre personnellement en avant, et plus on aurait besoin d’institutions représentant les intérêts collectifs. Autrement chacun reste avec ses idées, son expérience, ses réflexions silencieuses. Chacun craint de se hasarder dans des propositions nouvelles, comme s’il s’agissait de courir au-devant d’une humiliation. A mesure que les divers élémens de la communauté apprendront à se mieux connaître, un esprit d’expansion indispensable à la prospérité publique ne peut manquer de se faire jour. Déjà les nouveau-venus d’il y a huit ou dix ans ont pris racine sur le sol. Ils ne composent plus une masse incertaine et flottante. Les matériaux nécessaires à des institutions comme celles qui viennent d’être spécifiées et d’autres qui pourraient prendre ici une place utile s’élaborent chaque jour. Telles créations jadis réputées impossibles trouveraient des bases toutes prêtes assez solides pour en garantir le plein épanouissement. Ce sont des forces de ce genre qui constitueraient véritablement Saint-Nazaire. On ne saurait trop se dire que la cité est le véritable foyer de l’influence. C’est avec son aide qu’on pourra le mieux parvenir à faire reprendre les travaux délaissés, à hâter ceux qui sont en cours d’exécution, à écarter les éventualités sinistres, à stimuler l’esprit d’entreprise. Point de cité, point de force efficace. Sans la cité, tout vacille au gré d’impulsions équivoques, parfois capricieuses ou trop promptes à se décourager.

Dans le cercle des moyens pouvant concourir aux améliorations locales, la presse périodique a le droit de réclamer sa place. Nos maîtres incontestés en fait de création de nouvelles villes, les Américains du Nord, l’ont toujours envisagée comme un des élémens primordiaux de la cité. La presse possède déjà ses organes à Saint-Nazaire; mais, par suite d’un affaissement trop prolongé, elle avait dans le cours des dernières années plutôt perdu que gagné du terrain. Abandonner, comme on l’a fait, le domaine de la politique après l’avoir abordé, c’était rétrécir la sphère de son influence. A