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point pour produire la confiance, l’accord et la cohésion. Aussi a-t-il été dit, non sans justesse, qu’à ce moment-là on trouvait à Saint-Nazaire, sur une petite échelle, une sorte de Californie où l’isolement des forces était le caractère principal de la situation.

On avait pu, en ce qui concerne l’accroissement de la population, puiser des ressources dans un rayon étendu, à Paimbœuf, à Nantes et ailleurs. En fait d’importance maritime, on avait hérité de la fortune de Paimbœuf. De même, pour l’existence administrative, on devait arriver un peu plus tard par la force des choses à déposséder un autre chef-lieu d’arrondissement, Savenay. Cruelle déception ! lorsque cette dernière ville avait vu les chemins de fer s’entre-croiser au pied de la riante colline sur laquelle elle est bâtie, elle avait espéré que le jour d’un essor longtemps attendu allait enfin briller pour elle, et voilà que le chemin de fer, tournant contre ses vœux, a favorisé sa déchéance ! Un wagon a suffi pour emporter tous les attributs de son existence officielle. En réalité, Savenay y perd-il beaucoup? On voudrait pouvoir donner un motif de confiance à cette petite ville attristée. Eh bien ! non, la perte n’est ni aussi grande ni aussi irréparable qu’elle le paraît. Le rôle administratif de Savenay depuis trois quarts de siècle n’avait presqu’en rien servi à son accroissement. Les fonctionnaires seuls comptaient pour quelque chose dans ses murs. Avec son caractère désormais plus simple, et grâce à son site salubre et gai dominant la vallée de la Loire, aux facilités d’existence qu’offre un pays essentiellement agricole, cette ville pourra séduire les familles modestes qui recherchent précisément un séjour comme celui-ci. Il était aisé de prévoir d’ailleurs que la translation du chef-lieu serait nécessitée par l’élargissement des destinées de Saint-Nazaire. On ne pouvait laisser longtemps subsister le contraste que présentaient l’accumulation des intérêts sur un point et l’existence sur un autre de tous les ressorts administratifs et judiciaires auxquels notre organisation politique oblige à chaque instant de recourir.

Les dépouilles opimes que la main de la nécessité enlevait ainsi de tous côtés au profit de Saint-Nazaire n’étaient au fond que des élémens épars, fort utiles sans aucun doute, mais impuissans pour constituer par eux-mêmes la cité encore absente. Au milieu de l’épanouissement des premiers jours, on ne comprit pas, on ne pouvait comprendre que l’intérêt suprême consistait à former ce nœud commun, condition essentielle de force pour les élémens qu’il embrassait. On comptait sur un développement rapide et sur un progrès ininterrompu. Tout paraissait devoir aller de soi-même sans qu’on eût besoin d’y consacrer beaucoup d’efforts. Obstacles à vaincre, entraînemens à dominer, résistances à subir, éparpillement