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tien du port de Saint-Nazaire, tout compris, peuvent monter à 150,000 francs par an. Comme les travaux terminés et ceux qui sont en cours d’exécution sont évalués en tout à 27 millions, on peut dire qu’avec la dépense annuelle, équivalant à l’intérêt de 3 millions de francs, ils en auront coûté 30. Voilà le chiffre vrai. Supposons qu’au lieu de reporter la vase dans la mer on en fasse un dépôt sur un point quelconque du rivage; on décuplerait la dépense d’entretien. Calculs fort justes, si l’on était obligé d’aller à une distance un peu longue; mais on s’est demandé si l’on ne pourrait pas, immédiatement au-dessous de Saint-Nazaire, tirant une ligne droite à partir des rochers sur lesquels le môle est bâti jusqu’à la pointe de Ville-ès-Martin, trouver dans la large et profonde échancrure que décrit ici la mer un espace immense où la vase pourrait être déposée tout près du port et à peu de frais. Séduisante à ne considérer que le prix de revient du curage, cette solution n’offre-t-elle aucun inconvénient sous le rapport nautique? La question ne relève plus ici que des hommes du métier; elle paraît valoir la peine qu’on en fasse l’objet d’un examen attentif.

Quoi qu’il puisse advenir pour le dépôt des vases, les combinaisons actuellement adoptées, et dont le mécanisme a été si ingénieusement conçu, ont débarrassé le port de tout obstacle. La population maritime du bas de la Loire possède désormais son point de ralliement. Toutefois un bassin, des écluses et des profondeurs d’eau surabondantes, ce ne sont là que des conditions matérielles. Reste le régime économique, si essentiel pour la vitalité de toute création analogue. A ce point de vue, et par suite de causes diverses, la situation est loin d’être aussi favorable.

Le port de Saint-Nazaire est destiné aux navires au long cours, ce n’est point un port de cabotage. Les embarcations des caboteurs peuvent continuer à remonter jusqu’à Paimbœuf et à Nantes. Dès qu’il devenait un lieu d’arrêt obligé pour les gros bâtimens, Saint-Nazaire formait le point d’attache de toutes les relations de la France et du centre de l’Europe avec l’Amérique équatoriale. Ce port peut en outre, suivant les cas, partager avec le Havre, Bordeaux ou Marseille la navigation entre notre pays et l’Amérique méridionale, la côte d’Afrique, les Indes, l’extrême Orient asiatique et le monde austral. Eh bien! qu’est-il arrivé? Comment ce rôle a-t-il été rempli depuis l’origine? Si l’on s’en tient au chiffre pur et simple des entrées et des sorties, point de doute que les résultats n’aient été très satisfaisans; ils ont dépassé les espérances. Saint-Nazaire tient déjà le quatrième rang entre tous nos ports par le mouvement de sa navigation. Le chiffre du tonnage des navires qui le fréquentent n’a pas cessé de monter d’année en année. Un an après l’ouverture du bassin, en 1858, le jaugeage n’était que de 153,437 tonnes, et en