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d’homme. La nature avait fourni un emplacement convenable, elle avait mis à portée de la côte une rade où l’on trouve à mer basse de 8 à 15 mètres d’eau; mais il n’y avait rien de plus, point d’abri naturel pour les bâtimens. Les embarcations du pilotage ou de la pêche, les navires du petit cabotage, venaient s’échouer sur un fond vaseux dans une sorte d’anse complètement ouverte. Jamais au siècle dernier, durant la période la plus prospère du commerce de Nantes, on n’avait eu l’idée d’y établir le moindre ouvrage. On n’en avait pas besoin alors; les bâtimens de l’époque pouvaient remonter sans peine jusqu’au port de Paimbœuf, plus rapproché de 3 lieues de ce splendide et fameux quai de la Fosse, à Nantes, alors point de mire de presque toute la navigation coloniale. C’est seulement dans les dernières années de la restauration (1828) qu’on se mit à construire à Saint-Nazaire un môle d’une cinquantaine de mètres d’abord, puis de 100 mètres de longueur.

Jusqu’à ces dernières années, les navires gagnaient Paimbœuf, y transbordaient sur des gabarres une partie de leur chargement, et remontaient ensuite la Loire au moment des grandes marées de quinzaine. Deux circonstances, l’une maritime, l’autre économique, avaient de nos jours rendu impraticable la continuation de ce système. Les difficultés de la navigation dans la Basse-Loire s’étaient singulièrement accrues. Ce n’est pas que depuis un temps assez long, un siècle à peu près, durant lequel les observations ont été faites avec quelque précision, il ait été constaté que le lit de la rivière se soit ensablé d’une manière sensible. Si l’on excepte quelques points, comme le port même de Paimbœuf, dont certaines digues bâties dans la Loire semblent avoir rendu l’accès plus difficile, le niveau d’eau est resté le même; mais le tonnage des navires et le mode de construction sont absolument changés. Tandis que le tonnage a triplé et quadruplé, la longueur de la coque a été notablement augmentée. A lui seul, cet allongement aurait fermé aux nouveaux bâtimens les passes étroites et sinueuses que décrit le cours du fleuve. Au point de vue économique, les lenteurs occasionnées par le transbordement et par l’obligation d’attendre les grandes marées ne pouvaient s’accorder avec les nécessités imposées aujourd’hui à la marine marchande. Il lui faut aller vite ou succomber; elle doit tenir son matériel dans une activité constante pour diminuer les frais généraux et réduire le prix des transports.

L’intérêt nantais était directement intéressé à la construction d’un port au bout du chemin de fer projeté depuis 1842. La prompte expédition des navires ne pouvait avoir lieu qu’à ce prix. Aussi la chambre de commerce de Nantes, justement pénétrée des intérêts dont elle est l’organe, avait-elle vivement sollicité dès le principe cette difficile et coûteuse opération. La nécessité d’établir ce port