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tion de la véritable grâce divine, telles étaient les conséquences engagées dans le débat. Le concile de Nicée acheva l’œuvre entreprise par les pères alexandrins. En proclamant l’égalité substantielle des trois hypostases, il constitua définitivement le dogme de la Trinité qu’Origène n’avait fait que préparer. Dans son mémorable symbole, en même temps qu’il distingua et définit les trois hypostases, il les réunit en une seule et même nature. Il reconnut au Fils et au Saint-Esprit la même divinité qu’au Père. C’est ainsi qu’il maintint la théologie chrétienne à égale distance du mysticisme oriental, qui ne voulait point descendre de son Dieu abstrait, et du polythéisme grec, qui ne pouvait remonter au-delà de ses dieux de la nature[1]. » Nous n’ajouterions qu’un mot à cette conclusion, c’est que ce dogme de la Trinité ne fut pas l’œuvre seulement du concile de Nicée, mais encore des conciles suivans, ainsi que le fait observer M. Albert Réville. Quoi qu’on pense, il y a dans ce livre de quoi exercer, sinon la polémique de M. Gratry, qui n’y aurait que faire, du moins sa critique, si un théologien catholique veut bien descendre jusqu’aux procédés d’une méthode aussi profane.

Telle est la méthode critique en regard de la méthode théologique considérée dans ses deux procédés essentiels, la polémique et l’exégèse traditionnelle. Sur ce rapide exposé, le lecteur jugera comment la théologie catholique a répondu à la science contemporaine. Il jugera si cette polémique que manie si habilement M. Gratry, si cette-exégèse où M. l’évêque de Grenoble déploie tant d’érudition et de dialectique, ont sérieusement abordé jusqu’ici une pareille tâche. C’est qu’il ne s’agit plus de surprendre un adversaire à propos d’une phrase équivoque ou inexacte, ou bien d’interpréter les textes, selon la méthode des pères de l’église, de manière à en faire sortir plus ou moins laborieusement un dogme qui n’y est pas réellement contenu. Il faut accepter les questions telles que les pose la science moderne, la suivre sur son terrain, et la réfuter avec les seuls argumens de l’érudition et les seuls procédés de la critique historique. Voilà l’œuvre que le public initié à cette science attend encore aujourd’hui du talent de nos théologiens.


É. VACHEROT.

  1. Histoire critique de l’école d’Alexandrie, t. Ier, p. 293.