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inspirée par l’Esprit-Saint. « Il ne faut pas non plus donner dans les excès d’une critique qui ne respecte rien, ni renoncer à des témoignages que l’on croit certains, parce qu’ils sont écartés par quelques écrivains modernes que les moindres difficultés arrêtent, ou qui sont dominés dans leurs appréciations par des préjugés dogmatiques[1]. » Préjuges dogmatiques est un mot curieux, appliqué à la critique de Strauss et des savans de nos jours par un théologien assurément très éclairé, libéral autant qu’il peut l’être, mais à qui sa foi et son église ne permettent pas le doute sur tous les points essentiels du dogme.

Ne pouvant suivre l’auteur dans les développemens de son œuvre, nous nous bornerons à résumer les procédés de sa méthode, qui est celle de toute la théologie catholique. Le dogme, dans le sens catholique du mot, n’est point une chose qui se fasse par un progrès continu, comme les doctrines issues de la pensée humaine. Il préexiste tout fait dans la tradition révélée, avec toutes ses parties essentielles. Il ne s’agit que de l’y retrouver sous ses formes primitives, moins explicites que les commentaires des docteurs qui l’ont expliqué, moins précises que les formules des conciles qui l’ont fixé, mais pourtant suffisamment claires pour que la foi du croyant puisse l’y reconnaître. Or, en écartant les questions de date et d’authenticité des livres évangéliques, des Actes et des Épitres des apôtres, ce qu’en bonne critique il n’est pas permis de faire, on reste en face de textes dont doit être dégagé le dogme, tel que l’ont formulé le concile de Nicée et les conciles suivans. Une pareille manière de simplifier le problème est assurément très propre à en faciliter la solution. Si en effet, comme l’exégèse catholique le suppose tout d’abord, Matthieu, Marc, Luc et Jean, tous apôtres ou contemporains des apôtres, sont bien les auteurs des livres évangéliques, il est sûr que leurs écrits sont l’expression même des paroles du Christ, et que le dogme peut être puisé là à sa source. Dès lors l’exégèse devient possible, parce qu’elle a une base assurée et précise. Il suffit d’être un peu familier avec les textes pour y reconnaître, non le dogme véritable de la Trinité, mais certains élémens ayant pu servir de point de départ au travail d’exégèse qui devait aboutir à ce dogme. Si on recueille très peu de ces élémens chez Matthieu, sauf la formule du baptême, et chez Marc, on en recueille davantage chez Luc et surtout chez Jean.

Ce n’est pas sans peine que M. l’évêque de Grenoble retrouve son dogme dans les quatre Évangiles. Aussi concentre-t-il tout l’effort de sa dialectique sur le verset de Matthieu : « allez baptiser les

  1. T. Ier, introd., p. 32.