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subtiles et toujours fort libres. Nul doute et nulle discussion sur la date et l’authenticité des quatre Évangiles; nul doute et nulle critique à propos des textes suspects d’interpolation; nul examen des difficultés qui naissent perpétuellement de la diversité et même de la contradiction des témoignages évangéliques. Toutes ces questions si débattues et d’où la critique de notre temps a fait sortir une science véritable qui a ses procédés, ses principes et ses résultats acquis, sont écartées par l’auteur comme incompatibles avec la vraie méthode théologique.

Laissons-le s’expliquer lui-même. « L’église, qui croit et professe que sa doctrine lui vient immédiatement de Dieu lui-même, ne saurait admettre qu’elle puisse être réformée ou perfectionnée par la main de l’homme[1]. » Mais l’auteur sait trop bien l’histoire du christianisme primitif pour en rester là. Il sent la nécessité de concilier le principe théologique avec les faits historiques. « S’il a plu à Dieu, en révélant sa vérité, de lui imprimer des caractères qui ne lui permissent pas de penser qu’elle relevait de l’homme, il a voulu aussi que ses manifestations à travers les siècles s’accomplissent d’une manière harmonique avec les conditions de notre existence actuelle. » Et un peu plus loin : « Comme c’est une des conditions de notre existence actuelle que notre esprit se développe dans la lutte, c’est surtout dans les oppositions soulevées contre lui que se développera l’intelligence du dogme chrétien. Plus attentif à la vérité contestée, on en acquerra une intuition plus profonde, on la placera dans un plus grand jour, on la défendra avec plus de solidité, on l’assoira sur des bases mieux affermies... La vérité divine prendra des formes mieux arrêtées ; elle se déclarera d’une manière plus explicite. » Enfin l’auteur reconnaît que, si l’église ne crée pas proprement les dogmes, elle les formule et les notifie. Il admet la nécessité et la légitimité de l’exégèse pour expliquer comment le dogme sort tout organisé et tout formulé de la révélation des livres saints; mais il n’entend pas suivre la critique contemporaine sur son véritable terrain. « L’histoire du dogme n’est pas l’histoire des monumens ou des faits qui en sont les sources, c’est l’histoire de la pensée dogmatique qui est exprimée par ces faits ou qui est renfermée dans ces monumens. Elle n’agite pas les questions critiques, elle les suppose résolues. » Ce n’est pas que l’auteur regarde de telles questions comme inutiles, et qu’il ne pense qu’il faille choisir entre ces sources et ces monumens les plus authentiques; mais il y veut un regard plus discret que celui de la critique contemporaine. Ce soin ne peut être confié qu’à une science

  1. T. Ier, introd., p. 2.