Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 80.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

série d’œuvres d’exégèse protestante ou philosophique qui se sont succédé sans interruption depuis Schleiermacher jusqu’à nos jours : unus in omnes ! Nous le confessons volontiers, nous avons eu tort, même dans une revue sommaire des principaux organes de la théologie catholique, d’oublier un tel nom et un tel ouvrage; si ce livre important n’a pas frappé notre attention plus tôt, bien qu’il en soit à sa deuxième édition, c’est un peu la faute de l’auteur, dont la modestie n’a pas voulu se prêter aux exhibitions de la littérature théologique. En ouvrant son Histoire du dogme, nous avons bien vite reconnu que nous avions affaire à un homme d’école bien plus qu’à un homme de lettres; mais quelle est la méthode qui a présidé à la composition de cette histoire? est-ce l’œuvre d’un esprit conservant assez de liberté sous le joug de la foi et de la discipline, pour ne voir dans les textes que ce qu’ils contiennent, ni plus ni moins? L’auteur a-t-il démontré l’authenticité des Évangiles? a-t-il rétabli dans les textes l’unité de témoignage et de doctrine contestée par la critique des théologiens allemands? a-t-il expliqué les différences qui ne nous ont pas frappé tout seul dans l’ensemble des Évangiles comparés entre eux, et notamment dans le récit de la passion? Surtout, a-t-il retrouvé dans Matthieu, dans Marc, dans Luc, et même dans le dernier évangéliste, le dogme de la Trinité, tel qu’il apparaît dans le symbole de Nicée, sinon avec sa formule, du moins avec ses élémens constitutifs? Nous avions hâte de voir comment M. l’évêque de Grenoble avait résolu toutes ces difficultés, tout prêt, s’il y avait enfin réussi, à reconnaître le néant de notre science profane, et à proclamer cette grande révélation de l’exégèse catholique.

En abordant ce livre, nous avons enfin trouvé autre chose que de l’éloquence et de la polémique. L’auteur es un esprit grave, parfaitement calme, très familier avec l’exégèse des pères et des docteurs de l’église primitive. En avançant dans notre lecture, nous éprouvions un véritable plaisir à nous retrouver au milieu de cette grande théologie dont les principaux organes ont été Clément d’Alexandrie, Origène, Athanase, Grégoire de Nysse. Nul ne possède, ne comprend, ne reproduit mieux que l’évêque de Grenoble leurs beaux commentaires des Écritures; mais plus on s’engage dans cette œuvre d’exégèse théologique, moins on comprend comment nos théologiens catholiques ont pu songer à l’opposer aux œuvres si différentes de la critique et de la science de notre siècle. L’auteur n’a pas d’autre méthode d’exégèse que celle des pères. Comme eux, et en s’aidant de leurs lumières, il cherche et croit retrouver dans les textes de l’Ancien et du Nouveau-Testament le dogme formulé par les conciles au moyen d’interprétations souvent