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lienne. Cela n’eût-il pas dû ouvrir les yeux sur une interprétation aussi peu sérieuse de notre pensée? S’il se trouve des contradictions dans nos livres, nous le confessons humblement, c’est ou bien que notre pensée indécise a parfois flotté entre des points de vue contraires, comme il arrive dans des questions très complexes et très délicates, ou bien que, tout en voyant clair dans ces questions, nous avons forcé l’expression de manière à convertir, au moins dans la forme, une simple distinction en opposition : quas humana parum ravit natura. M. l’abbé Gratry nous fait trop d’honneur en nous prêtant une intention systématique là où il ne s’agit que d’incorrections de pensée ou de langage. Nous ne pouvons que remercier les polémistes comme M. Gratry de nous ramener à l’exactitude des idées et à la précision des termes par la sévérité, même excessive, de leurs critiques; mais lui-même, en reconnaissance d’un pareil sentiment, ne retirera-t-il pas, au lieu de se borner à l’expliquer, cette malencontreuse épithète qui est, quoi qu’il en dise, une injure pour Hegel et un non-sens pour nous? On ne donne pas aux mots le sens que l’on veut. Sophiste peut à la rigueur se dire d’un homme qui raisonne mal, bien qu’on l’applique surtout à celui qui abuse sciemment des formes du raisonnement. Il n’y a jamais eu de sophistique proprement dite que dans l’antiquité et chez les adversaires de Socrate. Or, sans vouloir les confondre tous dans la même réprobation, nous pouvons affirmer que la sophistique était non une méthode, mais un art, et un art qui avait uniquement pour but le succès.


II.

Ce ne serait pas rendre justice à la théologie catholique contemporaine que de ne lui reconnaître que la méthode polémique dont M. Gratry est un des organes les plus distingués. Elle a aussi sa méthode d’exégèse dont la tradition remonte au temps de Justin, de Tertullien, de Clément d’Alexandrie et d’Origène. Il y a aujourd’hui en France un enseignement supérieur de théologie catholique, dont les chaires sont occupées par des hommes de science et de labeur qui se vouent à l’étude approfondie des Écritures, ainsi qu’à celle des commentaires faits sur ce sujet par les pères ou docteurs de l’église, laissant à d’autres les œuvres d’éloquence dont les éloigne leur modestie ou leur goût de l’érudition. De tous ces ouvrages, le plus considérable par l’étendue et la science des auteurs sacrés est certainement l’Histoire du dogme catholique. Ce livre jouit d’une telle autorité dans les écoles de théologie catholique qu’elles n’hésitent pas à l’opposer à toute cette