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ligieux. Vous trouverez dans l’histoire des moines d’Occident ce que sont les abbesses dans les couvens anglo-saxons[1].

Vous trouverez enfin pendant trois siècles, Xie, XIIe, XIIIe, cette étonnante institution qui, pour imiter l’obéissance filiale de saint Jean à la Vierge Marie, fonde un grand ordre religieux, où des milliers de religieux et de religieuses sont gouvernés par une abbesse[2]. Vous verrez cet ordre approuvé par plusieurs bulles authentiques des papes qui le déclarent fondé sur ces paroles du Christ : « voici votre fils » et « voici votre mère, » et qui louent hautement cette règle et le bien qu’elle produit : quantumque ex ea honum proveniat.

Que dire de ces légions de femmes canonisées, déclarées saintes, placées sur nos autels aux pieds de Jésus-Christ, et cela depuis les premiers jours du christianisme jusqu’à nos jours. Et que dire de l’expression théologique de fiancée de Jésus-Christ, d’épouse de Dieu, appliquée, depuis le commencement du christianisme jusqu’aujourd’hui, à la vierge qui consacre sa vie à visiter les pauvres, à soigner les malades, à instruire les enfans, à prier Dieu? Que dire de ces légions célestes qui continuent ainsi, sur une plus grande échelle, l’institution des diaconesses, et vont se multipliant sur la terre, de siècle en siècle, pour mériter ce nom d’épouses de Dieu? Est-ce là la femme rabaissée par l’église au rang d’un être inférieur, dans un langage dont on rougirait aujourd’hui?

Mais comment oublier cette institution, unique dans les annales du monde, la chevalerie, noble fleur du printemps chrétien, dont on ne parle plus, ou dont on parle en souriant, parce qu’on ne sait pas la comprendre, et qu’on est loin de se douter des fruits qu’elle donnera dans la renaissance à venir, quand les hommes connaîtront la transformation du courage pour la paix des nations, et la transfiguration de l’amour pour la sainteté des cœurs?

Comment ne pas apercevoir cet autre prodige qui est la source la plus visible de la noblesse des races modernes comparées à l’antiquité? Je veux parler de l’épouse et de la mère chrétienne, celle qui a su réaliser la parole de saint Paul : «ce sacrement est grand

  1. Moines d’Occident, par le comte de Montalembert, t. IV, p. 242.
  2. Ut abbatissa in omnes tum viros tum fœminas jus summum obtineat, statuens ut viri, Joannis Evangelistæ exemple, virginibus seu mulieribus parerent, et hæ vicissim Beatæ Virginis exemptum sequentes religiosos tanquam filios amplecterentur. — Cet ordre a été approuvé par beaucoup de bulles authentiques des papes « qui eum docent ab illis verbis Christi : Ecce filius tuus, ecce mater tua, institutionis suæ rationem originemque petiisse. » Bollandistes, t. III de février, p. 599. — Le pape Innocent III loua hautement cette règle et le bien qu’elle produisait : quantumque ex ea bonum proveniat.