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fait. Vous formez la proposition contradictoire aux faits que voit le monde entier, et vous dites : « Qui ne connaît les dures paroles de l’église au moyen âge sur la faiblesse et la perversité native de la femme ? L’église rabaisse la femme au rang d’un être inférieur, dans un langage dont on rougirait aujourd’hui[1]. »

Ici, monsieur, je vous pose une question. Voulez-vous bien me dire où vous avez trouvé cela ? Pourquoi n’avez-vous pas cité en note « ces dures paroles » et « ce langage ? » Pourquoi, sans rien citer, n’avez-vous pas indiqué les sources ? Que signifie la note que je rencontre ici : « Voir la collection des conciles et particulièrement du concile de Trente ? » L’indication que vous donnez est bien au moins trois fois plus vague encore que si vous aviez dit : « Voir la littérature classique, tant ancienne que moderne ! » J’ai cherché et j’ai fait chercher, dans les bibliothèques, dans les communautés, à l’Oratoire, à Saint-Sulpice, dans le concile de Trente, dans la collection des conciles, et je n’ai rien trouvé. J’ai interrogé professeurs et théologiens ; nul ne connaît cela. Vous m’avez, ai-je dit, accusé d’avoir calomnié la doctrine de Hegel sur un fait que j’avais démontré, que je démontre aujourd’hui de nouveau, en mettant sous vos yeux tous les textes. Ici, qu’avons-nous sous les yeux ? J’attends que vous nous apportiez quelque preuve à l’appui de votre assertion.

Feriez-vous allusion peut-être à ce concile qui discuta la question de savoir si la femme a une âme ? C’est une pure facétie. Gorini l’a déjà démontré contre M. Henri Martin[2] ; mais nos réponses les plus décisives vous demeurent toujours inconnues. Il n’existe aucune trace d’un concile ayant discuté cette question.

Mais j’en reviens aux « dures paroles qui feraient rougir aujourd’hui ! » Vous devez les citer. Cherchez-les de votre côté ! Vous n’en trouverez pas qui montrent que « l’église rabaisse la femme au rang d’un être inférieur. » Vous trouverez l’oraison publique de l’église Pro devoto femineo sexu, ce qui veut dire : « pour ce sexe religieux et dévoué. » Vous trouverez l’institution des diaconesses subsistant jusqu’au IVe siècle dans sa forme primitive, diaconesses chargées d’instruire les femmes catéchumènes, et même de leur administrer le baptême. Vous trouverez au moyen âge la femme devenue, dans les mœurs chrétiennes, un objet d’enthousiasme re-

  1. La Religion, p. 449.
  2. Voyez Gorini, t. III, p. 463. On désignait un concile provincial de Maçon. Nulle trace du fait dans les actes de ce concile. Seulement saint Grégoire de Tours rapporte qu’à ce concile un évêque demanda si le mot homo était plus applicable à la femme que le mot vir. On lui répondit aussitôt qu’il était applicable, même dans la langue des livres saints, à cause du mot évangélique fils de l’homme. Voilà tout.