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sance, son but la vertu et la sainteté, non la liberté[1]. » Qu’est-ce que cela veut dire ? Comment peut-on élever, purifier les âmes, inspirer les intelligences sans les émanciper ? Peut-on produire la vertu sans la liberté ? Est-ce que le but du christianisme n’est pas la liberté des enfans de Dieu ? Est-ce que Jésus-Christ repousse la liberté quand il affirme que l’homme qui fait le mal est esclave du péché ? Est-ce que Jésus-Christ ne donne pas la formule et la science de la liberté quand il dit : « Si vous pratiquez ma parole (la justice), vous connaîtrez la vérité, et par la vérité vous irez à la liberté ? » Ne semble-t-il pas ici que le but, le terme et comme la récompense de tout le développement humain soit en effet la liberté ? Oui certes, cela est vrai en entendant la liberté comme l’entend l’Évangile, qui seul a le vrai sens du mot, savoir : la liberté qui est le fruit de la justice et de la vérité, la liberté qui est l’essor des forces, la liberté des enfans de Dieu, qui est l’attente de toute la création comme l’enseigne saint Paul. Lisez l’épître catholique de saint Jacques, où vous trouvez « la loi parfaite de liberté[2]. »

Vous parlez de la femme chrétienne ; mais tout en avouant que le type chrétien de la femme est supérieur au type oriental, grec et romain, « vous n’en faites point, dites-vous, votre idéal, parce que la pureté et l’élévation mystique des sentimens ne peuvent cacher au moraliste philosophe ce qu’il y a de faible, de passif, d’impersonnel, d’étroit, de trop peu pratique, dans le caractère de la femme chrétienne, » et vous avez l’orgueil de croire « qu’il y a pour le moraliste moderne quelque chose au-dessus de la femme chrétienne, » dont vous ne trouvez « ni la conscience assez large, ni la volonté assez libre, ni la raison assez forte, ni l’amour assez vrai pour tout autre objet que le Dieu que le christianisme lui enseigne… Elle n’a rien en elle, ou du moins peu de chose qui lui soit propre, ni raison exercée, ni conscience développée, ni volonté autonome et libre[3] » Puis, créant encore un mot dont il m’est impossible de trouver le sens, vous dites : la femme moderne, c’est « la femme qui a une conscience, et qui est une vraie personne. » Voilà la femme moderne ! Voilà celle qui est supérieure à la femme chrétienne, laquelle n’est donc point une personne, et n’a point une conscience !

Vous procédez ici précisément comme quand vous dites : La morale moderne, celle qui a pour principe la justice, voilà la morale supérieure à celle de l’Évangile, laquelle n’a point la justice pour

  1. La Religion, p. 431.
  2. Ch. I, v. 15.
  3. La Religion, p. 451 et 45.