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elle-même, le feu, sans lequel tout le reste serait immobile et abstrait.

Voilà ce que font pour nous la divine science et la divine puissance du Christ. Voilà comment il nous impose et nous apporte la justice, comme loi, comme science, comme force.

Après quoi il se trouve un homme pour dire à Jésus-Christ : « C’est fort bien ! Votre morale est belle, mais elle est imparfaite. C’est la justice que vous auriez dû enseigner. Notre morale moderne est plus haute, car elle est un principe, et ce principe, c’est la justice. »

Que pensez-vous de l’homme qui agit et qui parle ainsi? Monsieur, vous êtes cet homme. Voilà ce que vous avez fait. Si, le jour où le Christ fut jugé, vous aviez été juge, et aviez apporté à sa cause ce degré d’attention, vous l’auriez condamné.


TROISIEME LETTRE.

Ainsi, monsieur, vous démontrez que le christianisme est imparfait et doit passer, surtout parce que sa morale est imparfaite. Et vous démontrez que la morale de l’Évangile est imparfaite, parce qu’elle ne repose pas sur le principe de la justice. Vous avez sous les yeux le Discours sur la montagne. Ce discours n’est tout entier que la plus solennelle proclamation de la justice qu’ait jamais entendue le monde. Il est de plus, dans le détail, la description de toute justice. Il est la science de la justice donnée aux hommes dans sa formule la plus parfaite, formule absolue et universelle, radicalement et rigoureusement scientifique. Et la justice est tellement le tout de la morale évangélique que la théologie, ce résumé de l’étude des siècles sur l’Évangile, la théologie a posé cet axiome : « la justice est l’ensemble et la consommation de toute vertu chrétienne; justitia est omnium virtutum christianarum complexio. » De plus, à la proclamation de la justice et à la science de la justice, Jésus-Christ, dans son divin discours, ajoute le bienfait que voici : il nomme et il montre la force par laquelle la justice proclamée, — la justice connue, — peut être pratiquée, et devenir parmi les hommes justice effective et vivante. Or, monsieur, ce discours étant sous vos yeux, vous avez dit : « Tout cela ne me suffit pas. C’est la justice qu’il fallait enseigner. » Et puis vous inventez un mot dont on n’aperçoit pas le sens, le mot morale moderne, et vous dites : « Voilà la morale supérieure à la morale de l’Évangile, car elle repose sur un principe, et ce principe, c’est la justice. »

Pouvez-vous me blâmer, monsieur, si à la lecture d’un pareil