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vous, « tous ces termes contraires ou même contradictoires qui viennent se confondre dans une identité supérieure, ce sont... des momens divers d’une seule et même idée qui les produit, les détruit, les concilie et les confond successivement dans le mouvement incessant d’une dialectique concrète et vivante[1]. » Je transcris ces paroles sans affirmer que je les comprends. Ailleurs vous aviez donné, de cette même méthode, la formule plus précise que voici : « la pensée pose, oppose et concilie, affirme, nie et rétablit,... produit, détruit et reproduit, unit, divise et réunit. » Et vous appeliez cela la vraie logique.

Je dis, monsieur, que telle est en effet la logique qui est la clé de tons vos ouvrages et en particulier du livre sur la Religion. A quoi pourtant il est nécessaire d’ajouter que jamais vous ne pratiquez jusqu’au bout votre propre formule, composée, selon vous, de trois temps, ou momens, dont le premier produit, dont le second détruit, et dont le troisième reproduit. J’ai démontré ailleurs que jamais vous n’arrivez au troisième temps, celui qui concilie, rétablit, reproduit, réunit, et que toujours vous restez sur le second temps, celui qui nie, divise, détruit, oppose. Je répète que ceci est vraiment la méthode et la clé de votre livre sur la Religion. On en pourra juger par ce qui suit.

Votre livre a pour titre la Religion, mais il a pour but de montrer comment toute religion doit disparaître. Vous commencez par poser en thèse la religion. Vous en parlez avec respect, avec chaleur. Vous la vengez des attaques injustes et superficielles dont on la poursuit. Vous demandez si ce grand fait universel d’histoire et de psychologie peut n’être qu’une illusion et le rêve de l’imagination. Et je ne puis mieux faire ici que de citer la belle page qui est votre thèse.

« La critique de notre siècle... ne croit pas que tout soit dit quand on a rangé l’institution religieuse parmi les superstitions de l’ignorance ou les rêves de l’imagination. La vertu morale, la grandeur sociale, la longue durée des religions, dont on a dit avec tant de vérité qu’elles sont les nourrices et les institutrices du genre humain, ne permettent pas une pareille fin de non-recevoir à un siècle aussi positif, aussi observateur, aussi disposé à s’incliner devant la puissance des faits. Nous ne pouvons plus expliquer d’aussi grands effets par d’aussi pauvres causes. Comment une institution aussi populaire, aussi permanente que la religion, pourrait-elle être considérée comme un accident dans le développement de la civilisation générale, auquel elle a présidé jusqu’ici? N’est-ce

  1. Revue des Deux Mondes, 15 juillet 1868, p. 307. — La Religion, p. 141.