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siez vu que cette annonce, qui se trouve en effet quatre fois dans les deux derniers Évangiles, se trouve onze fois en termes identiques dans les deux premiers, qui, selon vous, ne la donnent pas. « Là il n’est question ni de résurrection ni d’ascension glorieuse au ciel. » Voilà l’exemple unique et de votre choix par lequel vous montrez comment nous n’avons ni critique ni science de nos propres textes, et comment toutes « les contradictions des Évangiles » n’arrêtent jamais « notre intrépidité d’affirmation. »

Faire des quatre Évangiles deux groupes, Luc et Jean d’un côté, Marc et Matthieu de l’autre; prétendre que ces deux groupes diffèrent sur un point essentiel, savoir : l’annonce de la résurrection; affirmer que deux Évangiles renferment cette annonce, mais qu’elle n’est pas dans les deux autres; qualifier de contradiction le silence de ces deux Évangiles; donner ce fait comme seul exemple de l’intrépidité d’affirmation théologique; en conclure cette négation du christianisme, que le Christ est probablement mort « dans l’accablement du désespoir; » perpétrer toutes ces assertions au nom de la critique et de la science, et triompher de cette victoire de la critique sur la théologie : tout cela pendant que les deux Évangiles dont vous affirmez le silence et accusez la contradiction renferment dans les mêmes termes cette annonce de la résurrection, trois fois plus souvent que les autres, — voilà, monsieur, ce que vous avez fait. Or les théologiens vous répondent comme je le fais ici, en vous montrant les textes; les voici au bas de la page[1].

Mais ici l’on m’assure que vous n’avez pas entendu comparer les Évangiles entiers, qu’il s’agit seulement des. quatre récits de la passion, et que dans cette limite votre critique est vraie!

Prenez garde, monsieur : si telle était votre intention, votre sort comme critique serait bien pire encore, car parlez-vous des Évangiles, vous ne vous trompez que sur deux. Parlez-vous des récits, vous vous trompez sur tous les quatre. En effet, la prophétie de la

  1. « Là (en saint Matthieu et en saint Marc) il n’est question ni de résurrection ni d’ascension glorieuse au ciel. »
    Or, 1° sur la résurrection :
    Saint Matthieu, chap. XVI, v 21.— Chap. XVII, v 9. — Chap. XVII, v 21 et 22. — Chap. XX, v 18 et 19. — Chap. XXVI, v 32. — Chap. XXVII, v 62 et 63.
    Saint Marc, chap. VIII, v 31. — Chap. IX, v 8. — Chap. IX, v 30. — Chap. X, v 34. — Chap. XIV, v 28.
    Le lecteur est prié de lire aussi les textes suivans de saint Luc, pour bien voir que l’annonce de la résurrection n’y est pas plus explicite qu’en saint Matthieu et en saint Marc.
    Saint Luc, chap. IX, v 21 et 22. — Chap. XVIII, v 33. — Chap. XXIV, v 7.
    2° Sur l’ascension glorieuse au ciel:
    Saint Matthieu, chap. XVI, v 28. — Chap. XXIV, v 30. — Chap. XXVI, v 64.
    Saint Marc, chap. XIII, v 26.