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demande raison de l’espérance que vous portez dans l’âme; mais répondez avec modestie et respect, en pleine conscience, afin que ceux qui vous attaquent à tort soient confus de leur injustice[1]. »

Si l’on avait le grand courage et la puissante vertu de discuter ainsi, peut-être qu’aussitôt l’adversaire commencerait à écouter, l’erreur pourrait tomber et la vérité se transmettre, comme quand on met entre les deux pôles électriques le conducteur qui les concilie en lumière.

Or dans le cas présent, monsieur, puisqu’il s’agit de vous, il ne m’est pas difficile de répondre avec « modestie et respect. » Quand on est assuré de la sincérité d’un adversaire, et qu’on le voit, pendant toute sa vie, travailler et chercher, se tromper peut-être beaucoup, mais ne jamais fléchir, comme d’autres, sur le nécessaire principe de justice; quand on le voit tendre ainsi vers Dieu, sinon toujours par ses idées, du moins par tous ses sentimens, on sent alors, quelle que soit d’ailleurs la fausseté de sa contradiction, que le respect est un devoir.

Mais ce n’est pas assez d’éviter la colère et de garder la modestie et le respect, il faut, dit le conseil apostolique, satisfaire l’homme qui nous interroge, rendre raison de notre espérance, afin que ceux qui contredisent à tort puissent reconnaître leur injustice ou leur erreur.

C’est bien là ce que je voudrais. Je voudrais en effet, monsieur, vous « satisfaire et vous rendre raison. » Je voudrais vous conduire à reconnaître, à regretter de grandes erreurs et même des injustices, mais cela par la seule voie possible parmi les hommes : en reconnaissant hautement moi-même que vous n’avez pas voulu l’injustice, en signalant les points sur lesquels vous demandez justice pour nous avec clairvoyance et courage, en vous montrant de plus comment vous adoptez souvent la vérité en posant les questions, et comment, si vous vous trompez ensuite, vous vous trompez contre vous-même autant que contre nous : en sorte que, si nous cherchons à vous convaincre, ce n’est pas aux idées d’autrui, c’est aux vôtres que nous vous rappelons.

Cela posé, je vais montrer que vous vous trompez contre nous. J’ajoute que vous ne vous trompez pas seulement contre nous, mais que vous vous trompez contre tous. En effet, à qui faites-vous depuis bientôt vingt ans cette guerre intellectuelle à laquelle j’ai pris quelque part, et que je crois très digne d’attention? Vous la faites à tous les philosophes du passé comme à tous les théologiens, soit du passé, soit du présent. Vous croyez voir, au commen-

  1. Petr. III, 14, 15, 16.