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Avec une population de 18 millions d’habitans, la Prusse possédait en 1863 255 établissemens publics d’instruction secondaire fréquentés par 66,000 élèves. C’est à peu près autant que la France en compte dans ses lycées et ses collèges, tandis que l’Angleterre en pourrait enregistrer à peine 16,000, tant dans les écoles publiques que dans les écoles privées de diverses catégories. On voit par là que la Prusse est, de ces trois états, celui qui possède les plus florissantes écoles secondaires. Il vaut la peine de rechercher à quelle cause ce succès est dû. L’enseignement officiel ne jouit cependant d’aucun privilège ; il a même le désavantage de ne s’adresser qu’à des élèves externes. Tous les jeunes gens qui fréquentent les écoles du gouvernement vivent dans leur famille ou sont logés dans des pensions particulières. Les écoles privées au contraire logent, nourrissent et instruisent tout à la fois. Pourquoi ces dernières n’ont-elles pas prospéré sous un régime de libre compétition? Il faut l’attribuer d’abord assurément à l’excellence des études, au mérite des professeurs[1], à l’heureuse distribution des programmes des établissemens publics. On peut encore en chercher la raison dans l’indifférence politique et religieuse de l’état à leur égard, dans les prérogatives réservées à l’autorité provinciale, prérogatives qui compensent les abus d’une centralisation trop absorbante; mais la cause principale qui maintient l’enseignement public à un niveau élevé se découvre dans la nature des examens auxquels est soumis l’élève qui veut, après avoir terminé ses études secondaires, être admis aux universités ou dans les diverses écoles spéciales. Nous allons retrouver là, sous une forme plus sévère, l’équivalent du baccalauréat français.

Nous l’avons dit, le gymnase mène à l’université, l’école réelle prépare aux professions industrielles. Pendant longtemps, l’étudiant qui voulait se faire immatriculer n’avait qu’à se présenter pour la forme devant le doyen de la faculté dont il désirait suivre les leçons. L’ examen d’admission était aussi superficiel qu’en Angleterre. Il arrivait alors que les jeunes gens, admis à des cours pour lesquels ils n’étaient pas préparés, prolongeaient sans fruit leur séjour à l’université. Ceci était d’autant plus regrettable que les étudians jouis-

  1. Les Prussiens ne contestent pas les services que notre École normale supérieure rend à l’instruction. Ils ont plusieurs établissemens du même genre d’où sortent chaque année des jeunes gens voués à l’enseignement; mais ils aiment autant les candidats qui, après avoir achevé avec succès le cours des études universitaires, ont suivi pendant un an au moins les leçons d’un professeur émérite. Les jeunes maîtres recrutés de cette façon sont d’aussi bons pédagogues, disent-ils, et ils ont plus d’initiative. En Prusse, de même qu’en Angleterre, on ne veut voir dans notre École normale supérieure qu’un séminaire de hautes études.