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de jouir de la liberté dans un milieu restreint en ont fait un homme. L’école a été pour lui, sinon un temps d’études sévères, du moins l’apprentissage de la vie.

Harrow est, comme Eton, une école aristocratique. Elle compte au nombre de ses anciens élèves Sheridan, Byron, Robert Peel, lord Palmerston. Située à 13 kilomètres de Londres, dans les conditions les plus favorables à la santé et à l’agrément, elle fut fondée en 1571 par un petit propriétaire du village qui consacra une partie de sa fortune à la création d’une école gratuite pour les enfans de sa paroisse et à l’entretien des routes conduisant à Londres. Six fidéi-commissaires administrent cette dotation, encore affectée aux deux usages que le donateur lui avait assignés. Seulement l’école gratuite est devenue un établissement d’instruction secondaire que fréquentent les enfans des meilleures familles de la Grande-Bretagne. Comme les fidéi-commissaires sont des hommes du monde qui s’entendent peu aux questions scolaires, le principal est ici maître presque absolu de l’école. La tradition universitaire n’en est guère moins observée. Sous tous les rapports, Harrow est à peu de chose près l’image d’Eton. Même répartition des élèves entre les pensions des professeurs, même liberté d’allures, même passion pour les amusemens corporels, et aussi même et sainte horreur pour les innovations dans le plan d’études. Toutefois l’enseignement des mathématiques y est moins négligé.

L’école de Rugby, qui remonte au temps d’Elisabeth, reçut en dotation vers 1567, de Lawrence Sheriff, épicier, une terre de huit arpens située dans le voisinage de Londres et dont le produit annuel s’élevait alors à 8 livres. L’école tire aujourd’hui de ce terrain et de diverses autres propriétés de moindre valeur un revenu de 140,000 francs, dont un vingtième est consacré, aux termes des statuts, à l’entretien de douze vieillards pauvres. On trouve à chaque pas en Angleterre des exemples de ces associations bizarres entre des bonnes œuvres de natures diverses. De modeste école de province, le collège de Rugby est devenu une institution opulente où se rendent surtout les enfans des riches familles bourgeoises. On y compte 500 élèves; c’est aussi à quelques unités près le chiffre d’Harrow, tandis qu’Eton en a près du double. La dépense annuelle d’un élève, quoique moins élevée qu’à Eton, n’est pas cependant inférieure à 3,000 francs. Par respect pour la volonté du fondateur, les enfans de la ville sont exonérés des frais d’études; aussi nombre de familles peu favorisées de la fortune viennent-elles s’établir à Rugby pour assurer à leurs enfans une éducation à bon marché. Ce collège eut le bonheur d’être géré de 1828 à 1842 par un principal, le docteur Thomas Arnold, qui a opéré une véritable ré-