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UNE
COLONNE D’EXPÉDITION
DANS LE DESERT

Le maréchal Marmont dit dans son livre de l’Esprit des institutions militaires : « On ne fait pas la guerre dans un désert... La guerre se fait ordinairement dans les pays habités, et, là où il y a des hommes, il y a des grains pour les nourrir. » Les expéditions contre les Arabes dans le sud de l’Algérie rentrent précisément dans une de ces exceptions que le maréchal a jugées trop rares pour mériter son attention; elles se font dans un désert. Peu de personnes les connaissent, peu de personnes en ont parlé, et cependant ces expéditions diffèrent si essentiellement de la guerre d’Europe, elles exigent de la part du chef qui les dirige tant de précision dans la conception du plan, tant de prévoyance dans les détails de l’exécution, que j’ai cru pouvoir intéresser le lecteur en leur consacrant cette étude. Je n’aurai à raconter ni batailles ni victoires, et je ne me dissimule pas qu’en faisant ici cet aveu j’enlève à mon travail ce qui eût peut-être le plus piqué la curiosité. Je n’ai pu m’empêcher d’espérer toutefois que d’autres trouveraient dans les péripéties de ces campagnes un peu de l’attrait que j’y ai trouvé moi-même, qu’ils seraient attirés par le charme indéfinissable de cette contrée brûlante et par les mœurs singulières des habitans, émus aussi des souffrances qu’y éprouvent les Européens, transplantés avec leurs habitudes et leurs besoins dans un pays impuissant à les satisfaire.