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nent par les voyages, et en revenant au pays ils rapportent quelquefois la fortune, toujours l’expérience de la vie, des idées plus larges et de précieux souvenirs. En France, on se décide enfin à suivre l’exemple de nos voisins, et l’on voit se multiplier chaque jour des récits de voyage qui ne sont plus des traductions. Parmi les plus intéressans, nous signalerons d’abord : Seize mois autour du monde, par M. Jacques Siegfried. C’est le journal d’une excursion rapide en Égypte, aux Indes, en Chine et au Japon, chez les mormons et dans les États-Unis. Nous trouvons l’auteur à Constantinople au mois d’octobre 1867, et le 9 janvier 1869 il quitte New-York pour retourner en France. Lorsqu’on fait tant de chemin en si peu de temps, on n’a guère le temps d’approfondir les observations que l’on recueille en route ; on voit un peu par les yeux des autres, on juge d’après des informations rassemblées comme on peut ; on ne voit généralement que la surface des choses. En revanche, ces voyages rapides permettent de comparer à peu d’intervalle les tableaux les plus divers, le contraste fait mieux ressortir les différences, on ne risque pas d’oublier une chose à force de l’avoir sous les yeux. Le livre de M. Jacques Siegfried se lit sans fatigue ; la variété des sujets, une touche légère, un style facile et sans prétention, le recommandent même à ceux qui ne cherchent pas dans une pareille lecture une source d’instruction. Des descriptions qui ont l’avantage d’être courtes, des détails très sommaires sur l’histoire, sur les ressources, sur l’état politique et commercial des pays que l’auteur nous fait visiter, ainsi que sur les mœurs des habitans, voilà certes les élémens d’un volume qui peut intéresser.

Le journal proprement dit est suivi d’un appendice important, composé d’une série de rapports que l’auteur adressait successivement au ministre du commerce. Le premier concerne l’Inde anglaise. M. Siegfried ne cache pas l’enthousiasme que lui inspire l’œuvre de la race anglo-saxonne, qui a su imposer des lois à un pays six ou sept fois grand comme la France et peuplé par 200 millions d’habitans. Le sol, qui est d’une fertilité exceptionnelle, fournit tous les produits qu’on lui demande et peut alimenter, un commerce d’exportation colossal, pendant que la colonie elle-même offre à l’industrie européenne un débouché presque illimité. Toutes ces ressources, on les voit se développer à vue d’œil sous l’influence d’une administration que M. Siegfried nous représente comme un modèle de bonne politique. Avertis par les derniers désastres, les Anglais ont renoncé à un système vexatoire qui n’avait pour but que d’assurer leur domination en toute chose. Ils ne semblent plus se préoccuper que des intérêts matériels de leurs possessions. Le mouvement annuel du commerce extérieur de l’Inde s’élève aujourd’hui à 800 millions de francs pour l’importation en marchandises, à 1 milliard 400 millions pour l’exportation. On estime à plus de 5 milliards la quantité d’argent monnayé que, par suite de leurs idées arriérées, les natifs gardent encore enfouie, en attendant qu’ils comprennent tous les avantages de la