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dans ses justes limites que de le mêler à des questions de ce genre… » C’était parler en véritable Anglais tout plein du sentiment de la responsabilité individuelle, donnant une leçon de self-government à tout le monde dans la personne d’une honnête société scientifique, et c’était bien aussi montrer cette férocité que M. Thiers demandait un jour à nos ministres des finances. Qu’on remarque seulement ici comment cette férocité procède d’un sentiment libéral. Singulier pays, n’est-ce pas ? que celui où un ministre peut dire tout haut qu’il est absurde de s’adresser au gouvernement, « comme si le gouvernement était plus sage et plus apte à juger toutes choses que le reste de l’humanité ! » Ce n’est pas à nous, en France, qu’on viendrait conter de si dangereuses sornettes.

Qu’il y ait en Angleterre bien d’autres questions sociales, industrielles, comme celle qui éclatait hier à Genève, comme celle qui vient de se produire en Belgique parmi les ouvriers de Seraing, près de Liège, nous le savons bien. Elles viennent d’être étudiées, ces questions, dans un livre sur les Associations ouvrières en Angleterre, par un jeune esprit doué d’une maturité précoce, qui emploie noblement les douloureux loisirs de l’exil à étudier un des plus graves problèmes du temps, le problème de la situation des classes laborieuses. Le mérite de ce livre, c’est de ne point séparer l’amélioration sociale à laquelle ont droit les classes industrielles du développement de la liberté politique, et c’est par là qu’il est fortement imprégné de l’esprit anglais sans cesser d’être français.

Les révolutions espagnoles ont d’habitude trois phases distinctes. La première est la période de la victoire, où l’on se hâte de tout démolir, lois et contributions ; la seconde est la réunion d’une assemblée constituante, où l’on s’aperçoit bien vite qu’il n’est pas facile de refaire tout ce qui a été détruit, où les divisions s’irritent et où l’impuissance éclate. Dans la troisième phase, la force arrive pour tout débrouiller et lancer le pays dans une réaction nouvelle. La révolution de septembre en est aujourd’hui à la seconde période, et elle touche à la troisième avec cette différence toutefois, que jusqu’ici la monarchie était restée debout, tandis qu’aujourd’hui il s’agit de refaire un trône et de trouver un souverain. L’Espagne est à la recherche d’un roi, et ses aventures commencent à être plaisantes en attendant de devenir tragiques. Il est certain que les chefs de la révolution espagnole viennent de ménager à leur pays une petite humiliation qui a été très vivement ressentie à Madrid. On avait arrangé avec art et après bien des difficultés un vrai coup de théâtre ; on allait envoyer à Lisbonne une commission extra-officiel le chargée d’offrir la couronne au roi dom Fernando. Pas du tout : avant que la commission soit partie de Madrid, un télégramme est arrivé de Lisbonne, prévenant que non-seulement le roi dom Fernando ne voulait à aucun prix de la couronne, mais que la commission espagnole ne serait même pas reçue. La commission se l’est tenu pour dit, d’autant plus aisément