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prendre 4,600,000 livres sterling pour régler définitivement le compte de l’expédition d’Abyssinie. Il ne restera pas moins un boni qui met fort à l’aise les finances britanniques. À quoi ce boni servira-t-il ? Va-t-on se lancer aussitôt dans des dépenses nouvelles ? C’est ici au contraire que M. Lowe reprend le système de M. Gladstone. L’excédant, qui devra être de plus de 80 millions de francs, sera employé à diminuer l’impôt du revenu d’un penny par livre sterling et à l’abolition ou à la réduction de diverses autres taxes. L’Angleterre marche appuyée sur ce principe fait pour retenir le déchaînement des dépenses : s’il faut faire face à des nécessités invincibles, on ne tourne pas la difficulté, on a recours à l’impôt ; en revanche, aussitôt que les nécessités n’existent plus, on réduit les taxes. Les combinaisons du budget actuel ne seront-elles pas troublées par quelque circonstance imprévue ? On ne fera pas de sitôt sans doute une nouvelle expédition d’Abyssinie. Quant aux événemens qui pourraient éclater en Europe, lord Stanley prononçait récemment un discours qui prouve que l’Angleterre croit peu à de prochaines complications, et que, si ces complications venaient à se produire, elle ne s’y mêlerait que dans un cas de nécessité absolue. Le budget de M. Lowe est sous la sauvegarde de la volonté énergiquement pacifique de l’Angleterre, et la politique du ministère actuel n’est que la vivante expression de ce profond sentiment anglais.

C’est du reste un terrible chancelier de l’échiquier que M. Lowe. Il ne plaisante pas sur l’équilibre des finances ; il garde le budget en vrai Cerbère, aussi spirituel qu’inexorable, et ce n’est pas à lui qu’il faudrait aller demander appui pour les candidatures officielles dans l’embarras, s’il y avait de ces candidatures en Angleterre. Il ne ferait qu’une bouchée de tous les amendemens électoraux. Il y quelques jours de cela, une société météorologique d’Ecosse qui a des stations un peu partout, et qui rend d’ailleurs les plus utiles services, est allée lui demander d’être inscrite au budget pour une maigre somme de 7,500 francs. Ce n’était qu’une miette sur la subvention de 250,000 francs que la Royal Society touche annuellement de l’état : 7,500 fr., qu’était cela ? M. Lowe, sans dissimuler sa sympathique estime pour la société écossaise, refusa absolument, inexorablement, ajoutant qu’il n’était lié par rien de ce qu’avaient fait ses prédécesseurs, que ce n’était pas lui qui aurait donné à la Royal Society une subvention de 250,000 francs. « On veut que nous soyons économes, dit-il ; la première règle d’économie, c’est qu’il ne faut pas demander au gouvernement de faire des choses que les individus pourraient faire par eux-mêmes… Je considère qu’il est de notre devoir de ne pas dépenser l’argent du public pour faire ce que les particuliers peuvent faire… Il est possible qu’en vous adressant à moi vous ayez moins songé à l’argent qu’à l’appui du gouvernement. Eh bien ! s’il est une chose qui me déplaise plus que de donner l’argent du public, c’est de prodiguer l’appui de l’état… Il vaut bien mieux restreindre l’état