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tuteurs ? Si on agit ainsi, voilà d’un côté un candidat qui d’après les plus modestes calculs doit dépenser 15 ou 20,000 francs, et il y a des élections qui coûtent infiniment plus cher aujourd’hui. Voilà un autre candidat à qui la plupart de ces frais sont épargnés. Celui-ci a pour lui toutes les chances que donne le patronage du gouvernement ; mais en même temps il a contre lui le désavantage de l’homme dont l’élection est une œuvre d’autorité, qui a reçu d’avance en quelque sorte un supplément d’indemnité. Son indépendance n’est pas absolument enchaînée sans doute, sa délicatesse peut se trouver parfois embarrassée. Est-ce une force pour le gouvernement ? C’est tout au plus une force factice et apparente ; au fond, c’est une cause de faiblesse, parce qu’il n’y a pas de véritable et solide appui sans liberté. Si le gouvernement triomphe, quel grand mérite a-t-il ? S’il est vaincu, sa défaite en est aggravée, et quelquefois l’échec rejaillit jusque sur le chef de l’état lui-même, dont le nom est arboré dans ces luttes. L’empire tout entier semble engagé dans chaque élection, et, selon la juste remarque de M. Buffet, c’est là pour le gouvernement un véritable danger sans compensation sérieuse. On joue le crédit des pouvoirs publics dans des menées dont on n’a pas besoin, si, comme on le dit, la popularité de l’empire est la grande électrice, et qui altèrent l’opinion en créant une représentation artificielle, si elles prennent le caractère d’une pression. Que craignez-vous, si la masse du pays vous est favorable ? Quelle force de plus trouverez-vous dans une manifestation du suffrage universel, si le suffrage n’est que ce que ; vous le faites ? Mais ce n’est là qu’un côté de la question.

Ce qui est certain, c’est que le système des candidatures officielles ainsi compris n’a plus rien de commun avec les conditions d’un régime réellement libre. C’est la conception d’un régime autoritaire. Pourquoi donc le gouvernement s’attache-t-il si vivement à un procédé d’élections tout au plus admissible dans la première partie de sa carrière ? Pourquoi M. de Forcade La Roquette défendait-il l’autre jour avec un zèle d’ailleurs habile ces candidatures officielles qui lui donneront du souci, à voir déjà les gaucheries de cette multitude d’agens qui ont commencé leur campagne ? Parce que malheureusement ce qu’on veut, c’est moins une majorité indépendante qu’une majorité obéissante, c’est un moyen de légalisation des volontés omnipotentes de l’administration, c’est une représentation libre assurément, paraissant libre surtout, mais se conciliant encore par un reste d’habitude avec la prépondérance persistante d’une autorité personnelle et discrétionnaire. Le gouvernement agit ici comme dans la plupart de ses réformes, donnant et retenant à la fois, mesurant les droits et les concessions, désavouant les irrégularités de M. le préfet de la Seine et maintenant le principe de ces irrégularités, créant des franchises de tolérance, des libertés de fait, qui au premier moment viennent se heurter contre des répressions ou des impossibilités. — Le gouvernement ne