Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 80.djvu/1062

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toujours probablement avant le concile. Sur ces divers points donc, il n’y a rien à dire. Quant aux affaires générales de l’Europe ou, en termes plus précis, quant aux relations de la France avec l’Allemagne et avec la Prusse, c’est ici qu’est la vraie question et que les incertitudes sont loin d’être dissipées. En définitive, M. le marquis de La Valette n’a rien dit de nouveau, et on a battu des mains. Que M. le ministre des affaires étrangères se soit montré très pacifique, qu’il ait déclaré que la paix ne lui semblait « ni incertaine ni compromise, » et que des événemens mettant en jeu nos intérêts et notre dignité pourraient seuls presser la France d’accentuer sa politique, qu’il ait enfin rappelé la responsabilité redoutable à laquelle s’exposerait quiconque serait tenté de provoquer un conflit, quelles garanties nouvelles ces paroles ajoutent-elles à tant d’autres déclarations qui ont été si souvent et si vainement répétées ? Pacifique, on l’est toujours, — jusqu’à ce qu’on ne le soit plus. Des événemens, il y en a toujours quand on le veut, et, convenons-en, il y a aujourd’hui assez d’élémens de combustion pour qu’on n’ait même pas à chercher bien loin les occasions ou les prétextes.

M. le ministre des affaires étrangères nous permettra de le dire sans aucune intention blessante, ce qu’il y avait de plus significatif dans cette séance de la chambre où il a eu un succès si encourageant, c’était sa personne, parce que c’est lui, M. le marquis de La Valette, qui a signé cette circulaire du 16 septembre 1866 où il déclarait, au lendemain de Sadowa, que tout était bien, où il glorifiait presque les agrandissemens prussiens, et où l’inaction malheureusement nécessaire de la France se plaçait à l’abri de la théorie des grandes agglomérations ; mais depuis ce moment il y a eu bien d’autres manifestations, bien d’autres incidens, qui ont laissé voir les « angoisses patriotiques » à côté des satisfactions, il y a surtout le sentiment croissant de l’instabilité européenne, de cette instabilité qu’atteste de toutes parts l’émulation des armemens. Par une curieuse coïncidence, la veille même du jour où M. le marquis de La Valette parlait de la paix de façon à faire presque partager sa confiance, son discours recevait en plein sénat une sorte de correctif qui d’avance rétablissait l’équilibre entre le courant pacifique et le courant belliqueux. M. Michel Chevalier suscitait parmi ces têtes chenues un véritable orage en risquant quelques observations sur l’excès des dépenses militaires ; il a eu de la peine à faire passer cette idée, pourtant assez simple, qu’en ce moment-ci, tandis que les peuples se rapprochent par tous leurs intérêts, les gouvernemens sont divisés par mille susceptibilités, par mille passions de lutte. Ce jour-là a été au sénat la séance des généraux, et une fois de plus nous avons eu ce spectacle des plus vaillans soldats, le maréchal Miel, l’amiral Bouët-Willaumez, refaisant pour notre usage ces comptes que nous connaissons bien : 400,000 hommes aujourd’hui, 650,000 hommes dans sept jours, s’il le faut, 1 million d’hommes dans quelques semaines, si l’on frappe le sol du pied, et toutes ces forces or-