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prises particulières qui songent plus au gain qu’aux besoins moraux des élèves. En général, plus ces écoles sont anciennes, et plus elles s’attachent avec ferveur au vieil enseignement classique; elles s’appellent encore écoles de grammaire. Les institutions modernes au contraire ont été fondées pour satisfaire les tendances professionnelles et industrielles.

L’enseignement des écoles ne comprenait au moyen âge que les lettres grecques et latines; les sciences existaient à peine, la langue nationale était considérée avec dédain. Telles étaient les études des écoles de grammaire il y a quatre ou cinq siècles, telles elles sont encore de notre temps, sauf de bien légers changemens. Au premier rang dans cette catégorie, tant par le nombre des élèves que par l’importance des ressources et la réputation, se place le collège d’Eton, qui fut fondé par Henry VI en 1440. C’est au pied du palais de Windsor, à 36 kilomètres de Londres, que s’élèvent les splendides bâtimens de cette institution fameuse. Les Anglais répugnent en principe à mettre au sein des villes leurs établissemens d’instruction publique. Eton ne fut au début qu’un modeste externat destiné à instruire gratuitement les enfans du voisinage. Depuis longtemps, la mode l’a pris en faveur, et l’on voit figurer sur le livre d’or de ses élèves les noms les plus aristocratiques de l’Angleterre, Robert Walpole, Pitt, Fox, le marquis de Wellesley, lord Derby, et le chef actuel du gouvernement, M. Gladstone. A la tête se trouvent un provost et sept fellows, qui composent à proprement parler le collège. Non pas que ces personnages prennent une part active à l’enseignement; ce sont des ecclésiastiques, anciens professeurs, revêtus d’un haut grade universitaire; ils administrent la fortune de l’établissement, et prélèvent à leur profit personnel la meilleure part des revenus. Ces emplois sont de douces retraites et de fructueuses sinécures. Un tel cénacle de vieillards ne contribue pas médiocrement à repousser des études toute innovation moderne. Anciens élèves de l’école, se recrutant par l’élection, ils ne conçoivent rien de plus parfait que la routine à laquelle ils ont été attachés depuis leur enfance.

Sous la surveillance imposante de ce conseil, la direction de l’école appartient à celui que nous appellerions le principal (head master). Loin d’être absorbé, comme le sont les proviseurs de nos lycées français, par la besogne administrative, le principal n’a guère que des fonctions pédagogiques; il est d’usage qu’il soit lui-même professeur de la plus haute classe, ce qui ne l’empêche pas d’inspecter les études des classes inférieures. Les professeurs jouissent d’une indépendance extrême dans leur chaire. Il n’y a pas de programmes d’études, il y a seulement des traditions dont il n’est pas