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qu’il donne en maintes occasions à l’Université de France. La partie de son travail qui concerne l’Allemagne expose avec une netteté que nous n’avons pas trouvée ailleurs la complication un peu confuse des écoles prussiennes, auxquelles nous pourrions du reste emprunter plus d’une réforme utile. En résumé, c’est une œuvre dont la lecture est facile et profitable. Ce n’est pas le seul travail intéressant qu’aient provoqué les commissions anglaises; un autre délégué, M. Fearon, a exposé avec talent l’organisation scolaire de l’Ecosse, qui était, paraît-il, peu connue en Angleterre même, malgré la proximité et le lien politique qui unit les deux royaumes. MM. Arnold et Fearon, aussi bien que MM. Demogeot et Montucci, ont le culte des humanités. Ils voient d’un œil jaloux la part toujours plus large que les sciences prennent dans les écoles aux dépens des lettres. Il ne faut pas leur demander de résoudre la question si controversée entre l’enseignement littéraire et l’enseignement scientifique. Du reste, la question est si grave que nous oserons à peine en dire quelques mots en terminant.


I.

La Grande-Bretagne admet la liberté d’enseignement la plus absolue. L’état ne possède aucun établissement d’instruction secondaire et n’exerce même aucun contrôle sur ceux qui ont été créés sans son concours[1]. L’éducation nationale est avant tout, comme les autres institutions du pays, le produit de l’initiative individuelle. L’instruction primaire pour les classes pauvres, qui est d’origine moderne, a souvent besoin de l’aide du gouvernement : celui-ci se réserve en échange un droit de surveillance sur les écoles subventionnées; mais l’instruction des classes aisées peut se passer des secours du budget; elle est en droit, suivant les habitudes anglaises, de ne rien accorder à l’état, à qui elle ne demande rien. La fondation des collèges où se donne l’enseignement secondaire est due soit à des legs charitables remontant à une date souvent fort reculée, soit à des associations religieuses, soit même à des compagnies financières constituées en vue de l’intérêt public; enfin, ce qui offre moins de garanties aux familles, ces établissemens peuvent être des entre-

  1. On en vit une preuve bien remarquable en 1862, lorsque la première commission royale commença ses travaux d’enquête. Elle eut tout d’abord l’idée de se rendre compte de l’état de l’enseignement en soumettant les élèves à des examens écrits. Les neuf principales écoles de l’Angleterre refusèrent de se prêter à cette épreuve, ou montrèrent tant de répugnance à l’accepter que les commissaires de la reine n’osèrent ni insister ni passer outre.