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port administratif, ils apprécient les faits en même temps qu’ils les exposent. Sous la forme souvent pittoresque et animée d’un récit, ils ont eu le talent de tout dire et de tout comprendre. On serait tenté de leur adresser un seul reproche. L’un d’eux appartenait à l’enseignement littéraire et l’autre à l’enseignement scientifique. Ils personnifiaient donc à eux deux la lutte présente entre les deux enseignemens. Le premier a-t-il entraîné les convictions de son collègue, ou le second était-il plus littéraire que ne l’est d’ordinaire un professeur de sciences ? On ne saurait dire ; mais l’impression qui reste après la lecture de ce rapport est une tendance à maintenir intacte l’ancienne instruction classique contre les exigences impérieuses des professions industrielles, qui réclament un programme d’études mieux approprié aux besoins de la société moderne.

La mission de MM. Demogeot et Montucci, si intéressans qu’en soient les résultats, n’était justifiée que par le désir bien naturel de savoir comment nos voisins d’outre-Manche comprennent l’enseignement secondaire ; elle ne se liait pas à un projet d’innovation prochaine. En Angleterre au contraire, le régime scolaire des principaux établissemens d’instruction publique a été mis en question depuis quelques années ; on a prétendu que les grandes écoles, dont la réputation était demeurée jusqu’ici à l’abri de toute attaque, sacrifiaient les jeunes intelligences des générations nouvelles au culte suranné de l’antiquité classique, qu’elles avaient même perdu la vertu de former des hommes lettrés, qu’il s’y perpétuait des abus odieux, vestiges des mœurs barbares du moyen âge. Dotées presque toutes de propriétés mainmortables, on soutenait que leurs ressources avaient été détournées par une pente insensible de l’affectation charitable qui était dans les intentions des fondateurs. Plusieurs commissions que le gouvernement anglais institua pour vérifier jusqu’à quel point ces allégations étaient exactes révélèrent en effet l’urgente nécessité d’introduire d’importantes réformes dans le système d’éducation. Pour savoir ce qu’il fallait mettre à la place de ce qui existe, il n’y avait rien de mieux à faire que d’examiner ce qui se pratique à l’étranger. Aussi l’une de ces commissions délégua-t-elle à M. Matthew Arnold la mission de parcourir les divers états de l’Europe continentale et d’étudier en France, en Italie, en Suisse et en Allemagne les institutions d’enseignement. Le rapport de M. Arnold embrasse un champ plus vaste que celui de MM. Demogeot et Montucci ; il se distingue également par l’élégance de la forme, la finesse de l’observation, la largeur et l’originalité des conclusions. Nous avons peu de chose à apprendre de lui sur ce qui se passe chez nous ; mais nous enregistrons avec fierté les éloges