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rappelle le trait dominant d’Agrippine. Le camée qui porte le n° 231 est à peu près de la même grandeur ; la monture en or et en émail est d’une rare élégance. Sur ce monument, on pourra observer dans tous ses détails la coiffure, qui est semblable à celle de Messaline, c’est-à-dire conforme à la mode du temps. Les cheveux sont ondulés, de petites boucles encadrent le front, la masse de la chevelure est rejetée négligemment derrière l’épaule. Le n° 233 montre Agrippine couronnée de lauriers, avec un voile et une perle qui sert de pendant d’oreille ; elle tient une corne d’abondance.

Dans la gravure des camées, le but de l’art était surtout de faire valoir la matière et d’enrichir la dactyliothèque du Palatin de monumens commémoratifs, glorieux, flatteurs. L’artiste, qui n’était pas nécessairement un grand sculpteur, était plus capable d’imprimer un caractère idéal et une beauté traditionnelle que de faire ressortir dans toute sa force la physionomie du modèle ou le trait individuel qui intéresse l’histoire. C’est à la sculpture proprement dite qu’appartient cette puissance ; le graveur de camées donne plutôt l’aspect général et la poésie de la ressemblance. Les deux bustes qui sont au musée du Louvre ont malheureusement souffert au point de perdre une partie de leur expression. Sur l’un, l’épiderme du marbre rongé est presque fruste ; l’autre a le menton cassé, les lèvres réparées. On ne peut s’attacher qu’à l’ensemble, regarder à distance, afin de saisir l’énergie jointe à la grâce, l’assurance mêlée au charme. Le buste qui est au Capitole ne satisfait pas non plus complètement, parce que les yeux levés au ciel indiquent chez l’artiste plutôt une préoccupation de l’apothéose, c’est-à-dire l’adulation, que la recherche rigoureuse de la vérité. Le buste du musée de Naples l’emporte sur tous les autres par un caractère saisissant, par la vraisemblance historique, par la grandeur. Il a été apporté de Rome par les Farnèses. La tête est belle, accentuée, énergique, virile ; sans le flot de cheveux qui pend sur les épaules et l’arrangement de la coiffure, on ne reconnaîtrait point une femme. Les muscles du cou ainsi que les clavicules sont larges et accusés comme chez un homme. L’œil est ferme et fixe sous l’arc profond du sourcil ; le nez est un peu tombant, la pointe en est marquée et donne au visage un air réfléchi ; les pommettes sont saillantes, marque essentielle de sa mère, la première Agrippine ; la bouche est encadrée par un pli sévère qui part du nez ; quant au menton, il est mâle, net, inflexible. Tout est robuste, éprouvé ; on ne surprend rien de sensuel ; c’est l’enveloppe d’une âme accessible seulement aux grandes passions. De face, la beauté est peu frappante ; il y a même plus de caractère que de beauté. Le profil au contraire est admirable, ce qui est une des conditions du type romain, même de nos jours, lorsqu’il est altier et majestueux.