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retrouve ses victimes, et est condamné par Éaque à jouer éternellement aux dés avec un cornet sans fond.

L’avènement de Néron semble d’abord rendre la puissance d’Agrippine plus éclatante. Le mot d’ordre donné le soir aux prétoriens est : « la meilleure des mères. » Les lettres écrites aux peuples et aux rois sont au nom de l’impératrice et de l’empereur. Le sénat se réunit sur le Palatin, afin qu’Agrippine assiste à ses séances, à peine cachée par un rideau. La même litière les contient, elle et son fils, ou bien le jeune prince suit respectueusement à pied sa litière. Elle est nommée prêtresse de Claude et reçoit un caractère sacré ; elle est représentée sur les monnaies en vertu d’un sénatus-consulte ; elle est gardée par une des dix cohortes prétoriennes et par la cohorte de Germains, redoutée pour sa fidélité aux césars. Quand on voit Agrippine arriver au faîte de la grandeur, on désire la connaître de plus près et s’en faire une image nette, car c’est alors qu’on a dû multiplier ses statues et ses portraits.

Les monnaies de Claude nous la montrent couronnée de lauriers, avec les deux mots Agrippinœ Augustœ’ ; qui consacrent officiellement son titre d’augusta’ ; tandis que le revers représente parfois un char traîné par des éléphans, réminiscence flatteuse des honneurs rendus à Livie. Les monnaies de Néron portent les deux têtes de la mère et du fils, tantôt de profil, tantôt affrontées. Sur la face est nommée Agrippine, femme du divin Claude, mère de Néron’ ; tandis que Néron, fils du divin Claude’ ; est nommé seulement sur le revers. La tête de Néron est petite, rajeunie ; ce n’est pas celle d’un jeune homme de dix-sept ans, c’est celle d’un enfant dont on voudrait perpétuer la minorité aux yeux du monde. L’exemple des Romains fut suivi par les colonies et surtout par les villes de Grèce et d’Orient. Les monnaies d’or frappées à Rome sont les plus soignées et les plus importantes à consulter. Agrippine avait déjà trente-huit ans. Quoiqu’elle eût conservé sa beauté, on remarque, sur certaines pièces d’or, que ses traits sont accusés, que son profil est serré, sa bouche fine, son œil pénétrant et impérieux. L’observateur qui promènera successivement ses regards sur un grand nombre de monnaies d’Agrippine gravera bientôt dans sa mémoire une certaine résultante d’impression, qui constitue un type : ce type lui deviendra familier malgré la diversité des échantillons, et lui permettra de passer avec plus de sécurité à l’étude des camées. Les camées d’Agrippine ne sont pas rares : le cabinet de la Bibliothèque impériale en possède cinq. Le plus remarquable porte le n° 230 ; c’est une sardoine à trois couches qui a plus de 5 centimètres de hauteur. L’impératrice, assimilée à la déesse Diane, a le carquois sur l’épaule ; elle est couronnée de lauriers. Le travail en est magnifique ; l’expression est fière, pleine de fermeté, et