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développée par sa majesté qui fit préférer aux premiers chefs de l’église le séjour de Rome à celui de la terre sainte. Il ne dit autre chose, sinon que ce fut la volonté de Dieu. Il se montre toujours aussi éloigné du séjour dans la capitale de l’empire, ne désirant que retourner à Rome, ou bien errer de ville en ville comme les apôtres du premier âge. Tout annonce une faiblesse de vues trop au-dessous de sa position[1]… »

Ces renseignemens sur les dispositions de Pie VII, quoiqu’ils ne fussent pas encore tout ce qu’il pouvait souhaiter, ouvraient une nouvelle perspective à l’empereur. Loin de désavouer hautement les concessions faites naguère aux évêques envoyés à Savone, le pape se montrait porté à y revenir moyennant de légères modifications. Sur ces données nouvelles, Napoléon résolut de ne pas lâcher absolument la partie. Quelques-uns des évêques étaient partis aussitôt après l’arrestation de MM. Hirn, de Broglie et de Boulogne ; mais c’étaient les prélats les plus opposés à ses desseins, et l’empereur vit leur absence sans déplaisir. Il donna ordre au ministre des cultes de retenir au contraire tous les autres à Paris. Bientôt M. Bigot, confidentiellement instruit des desseins de son maître, reçut la mission de les faire venir chez lui les uns après les autres ; il devait, dans ces tête-à-tête successifs, user de sa plus persuasive éloquence et de tous les moyens qui dépendraient de lui pour les ramener peu à peu à la cause impériale. S’il réussissait à gagner le plus grand nombre, on réunirait derechef le concile, et les difficultés qui avaient tout arrêté seraient aisément tournées. Ainsi qu’il était naturel, M. Bigot de Préameneu, qui avait assisté aux congrégations générales, commença par s’attaquer aux prélats chez lesquels il avait remarqué le plus de condescendance pour les propositions de l’empereur : c’étaient ceux-là mêmes qui témoignaient en ce moment le plus d’effroi au sujet de l’arrestation de leurs collègues. Son succès auprès d’eux fut assez facile. De proche en proche, presque tous les pères du concile s’étaient laissé persuader au bout de quinze jours. Il est vrai que Napoléon, ses plus habiles conseillers, et à leur tête son redoutable ministre de la police, qui se figurait avoir charge d’âmes dans l’église depuis qu’il avait arrêté trois évêques, s’étaient tous employés de leur mieux pour venir en aide à M. Bigot de Préameneu. Les insinuations, les menaces, les menaces surtout, ne furent point épargnées. Napoléon s’était particulièrement réservé le soin d’intimider les membres du sacré-collège. Il fit en pleine cour aux cardinaux Spina et Caselli des scènes qui les remplirent tous deux d’épouvante. Cependant il lui arriva de ne pas toujours

  1. Lettre de M. de Chabrol au ministre des cultes, 9 juillet 1811.