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contre le concile[1]. — Mon dessein, s’écria-t-il, était de rétablir les évêques dans leurs anciennes prérogatives ; mais, puisqu’ils en agissent ainsi, je saurai bien les mettre à la raison. » Le cardinal essaya de justifier par quelques raisons canoniques la doctrine de la commission du message. « Encore de la théologie, répliqua l’empereur ; où l’avez-vous apprise ? Taisez-vous ; vous êtes un ignorant. En six mois, j’en veux savoir plus que vous. » Le président du concile, qui n’avait pas l’habitude de reculer devant les invectives de son neveu, s’anima, lui aussi, dans la discussion. Il voulut lutter pied à pied, ce qui n’était pas sans générosité de sa part, afin de défendre l’avis de ses collègues, que pourtant il n’avait point partagé ; mais, comme toujours, il ne fit qu’irriter de plus en plus l’empereur. « Je n’aurai pas le dessous, s’écria celui-ci. Qu’on appelle Montalivet ou Merlin… Ah ! la commission vote ainsi ! Eh bien ! je casserai le concile, et tout sera fini. Je ne me soucie nullement de ce que veut ou ne veut pas le concile. N’ai-je pas aussi mon comité, réuni chez le grand-juge ? Il prononcera sur cette question, et je me déclarerai compétent, suivant l’avis des philosophes et des jurisconsultes. Les préfets nommeront les curés, les chapitres et les évêques. Si le métropolitain ne veut pas les instituer, je fermerai les séminaires, et la religion n’aura plus de ministres. Quant aux évêques d’Italie, je confisquerai leurs biens et je les mettrai à la portion congrue comme les évêques de France. » — C’est alors, dit l’abbé Lyonnet, que le cardinal Fesch aurait répondu à l’empereur : — « Si vous voulez faire des martyrs, commencez donc par votre famille. Je suis prêt à donner ma vie pour sceller ma foi. Sachez-le bien, tant que le pape n’aura pas consenti à cette mesure, moi, métropolitain, je n’instituerai jamais aucun de mes suffragans. Je vais même plus loin : si l’un d’eux s’avisait, à mon défaut, de donner l’institution à un évêque de ma province, je l’excommunierais à l’instant[2]. »

Cette scène orageuse entre l’oncle et le neveu n’avait pas duré moins de deux heures ; elle continuait encore lorsque l’évêque de Nantes arriva de son côté à Saint-Cloud. — « Qu’on le fasse entrer, dit l’empereur. Celui-là au moins sait sa théologie, et avec lui on peut s’entendre. » On ignore les paroles qui furent échangées sans témoins entre Napoléon et M. Duvoisin ; mais le résultat de leur conférence apparut bientôt. Le parti auquel l’empereur s’arrêta séance tenante, quoiqu’il ne fût en lui-même qu’une

  1. Vie du cardinal Fesch, par l’abbé Lyonnet, présentement archevêque d’Albi, t. II, p. 336.
  2. Vie du cardinal Fesch, par l’abbé Lyonnet. — Journal de M. de Broglie, évêque de Gand.